Bashkirtseff

Dimanche, 28 décembre 1873

OrigCZ

# Dimanche, 28 décembre 1873

Je ne me proposais de faire beaucoup et j'ai fait quelques chants de "L'Iliade". Ce matin pour la première fois j'ai senti l'absence du jardin et de la mer comme dans Acqua Viva. Il faisait si beau, si frais à neuf heures, j'avais tellement envie de me promener, mais il n'y a pas de jardin.

Nous allons à l'église (robe brune, bien) au retour je trouve mon chapeau marron, il ne me plaît pas, mais je le mets. Tous les dimanches il fait un vent terrible. Je n'ai pas envie de sortir, jusqu'à deux heures je courai chercher un éventail, j'en veux un ancien chinois ou Louis XV. Je rentre pour une heure, finir "L'Iliade", on vient me chercher. Mais à peine le vent était-il un peu calmé et nous avons fait ouvrir le landau qu'un tourbillon affreux arrive, presque renverse les gens, emporte les chapeaux.

La duchesse Centifolia venait de descendre (toilette gris et violet) de voiture, mais le vent l'ébouriffa. Avigdor et un autre vilain vinrent lui parler. Je crois qu'Avigdor la prendra et Petit sera fichée. Mais comme elle a l'air cocotte, elle vise au vulgaire, au genre fille, elle a des manières si ébouriffées, elle minaude, cela ne lui va pas. Avant, elle avait des airs majestueux, calmes et imposants. Non, elle n'est pas la duchesse Centifolia, ni Laïs non plus, elle est simplement la Gioia.

Mon oncle et ma tante Tutcheff sont arrivés, il a l'air d'un perfect pig. Près du jardin public au coin vers l'hôtel des Anglais, stationnait un assez bon bataclan, Saint-Clair, Lambertye, Jarozinsky, Krassowsky et le grand Audiffret, etc. etc. J'entre avec Dina chez Mme de Mouzay et Bête nous attend en bas, tout le monde à Monaco. Nous ne trouvâmes que sa fille.

Il fait très froid, j'ai mon conspirateur.

En sortant de chez elle nous allons au London House puis we walk home, where we find Solominka et Tormosoff. After dinner I play the Ruisseau to grand-papa.

All are gone to the theatre.

Que Nice est triste ! et pourtant je pleurerai en la quittant, car pour la première fois j'ai aimé à Nice.

Je ne dois pas me moquer et être dégoûtée, je ne suis plus une enfant comme les autres, je suis femme par le cœur, mais femme-enfant.

Quand je me souviens de lui ! Comme il était différent de tous, comme il se détachait, il était comme un demi-dieu parmi tout le monde. Ce n'est pas de l'exagération, car à Bade même, lorsque j'étais une enfant, je le sentais, et je regardais le duc comme un être à part, extraordinaire et majestueux.