Dimanche, 23 novembre 1873
# Dimanche, 23 novembre 1873
- Oui, mais à mon avis comme elle a été heureuse quand elle a vu le parent d'Hamilton.
- C'est absurde, je suis également contente de tout, il me semble que l'on peut se réjouir si quelqu'un de convenable arrive.
Mes ennuyeuses leçons, je n'ai même pas le temps de dire que je l'aime, de parler de lui. En ce moment je l'ai vu comme un jour lorsqu'il nous passait et nous rentrions avec Collignon dans Acqua Viva. C'était la première fois que je le voyais à Nice après Bade.
- Mademoiselle Collignon voyez le duc de Hamilton ! le duc de Hamilton !
Il s'est tourné, car j'ai poussé une exclamation de surprise.
Bienheureux temps ! Que ne retournez-vous pas ? Je l'aime tant ! Mon Dieu ! aucun homme ne me plaira comme me plaît le duc de Hamilton. Heureuse sera sa femme.
Disgusting place ! Dreadful town ! Dull inhabitants ! How I hate you ! Nice ! Nice, how I hate you !
A l'église (robe brune, chapeau noir, bien). Beaucoup de chiens, mais quels chiens. Je ne veux pas aller la première vers les Howard. Lise vient me trouver. Hélène est avec son père à l'église anglaise. Maman a acheté un chapeau qui la rend adorable. Ce n'est que maintenant que, regardant maman comme une étrangère, je découvre qu'elle est ravissante. Belle comme le jour, bien que fatiguée par toutes sortes d'ennuis et de chagrins, et de graves maladies; lorsqu'elle parle, elle a la voix si douce, si femme sans être grêle mais mate et douce, des manières jolies aussi, bien que naturelles et simples.
Je n'ai pas vu dans ma vie une personne moins pensant à elle que ma mère, elle est la nature toute naturelle, et si elle pensait un peu à sa toilette tout le monde l'admirerait. On a beau dire, mais la toilette fait beaucoup. Une femme doit être ou bien déshabillée ou très bien habillée, mais maman met des débris de je ne sais pas quoi. Aujourd'hui elle a une robe marron, celle de Vienne, Spitzer, le chapeau bleu nouveau qui ressemble au mien et le manteau bleu, avec les plumes, parole d'honneur elle est adorable et pour aujourd'hui ma passion.
Nous allons chez les Howard avec maman et ma tante. Les Boutowsky doivent venir chez eux et les Patton aussi. Je ne sais pas pourquoi nous ne sommes pas invités. C'est bien étrange que lorsqu'ils invitent les autres nous ne sommes pas invités. J'étais à cause de cela de mauvaise humeur, il faut que je trouve moyen de leur dire finement ce qui me fâche. En retournant en voiture je commence, comme toujours, à dire que comme c'est affreux qu'à Nice nous ne connaissons personne, qu'on ne veut pas nous connaître, etc. etc. que les Howard ne nous invitent qu'à part, quand il n'y a personne. Alors maman me raconte que Mme Howard lui a dit qu'elle n'a pas invité les enfants aujourd'hui parce que leurs ★ennemis ★ viennent. Maman fort étonnée demande quels ennemis des enfants peuvent avoir, des ennemis ses enfants ?! Ce sont les Boutowsky, elles sont jalouses de nous et regardent de travers vos enfants parce que les Howard allèrent avant tout nous voir en arrivant à Nice.
Si on pouvait savoir comme toutes ces saletés de Nice m'ennuient ! J'en ai jusqu'à la gorge de ces calomnies, de toutes sortes d'histoires, de cochonneries ! Je n'ai jamais voulu connaître les Boutowsky, je trouve étrange qu'on nous invite à part toujours, comme si nous n'étions pas digne d'être avec les autres. Il faut que je leur fasse comprendre cela. Mme Howard a grondé Hélène parce que celle-là a dit devant tout le monde qu'elle aime Marie plus que tous les autres et que le reste lui est indifférent. Mais je n'ai pas besoin de ces amours, je demande avant tout le respect extérieur, comme à de simples connaissances, qu'on me donne la préférence devant tous, et non en cachette. Le fait est, que je serai bien heureuse une fois hors de Nice.
Nous allons de là à la promenade (chapeau marron, pas mal) il y a beaucoup de cochons. Je suis mal assise, le petit marquis est entre moi et Dina. Mais toutes les fois que je vais où il y a des chiens je suis quite miserable.
(Avant de sortir à une heure et demie à peu près tous étaient dans la salle à manger et maman dit que Wittgenstein est marié à cette cocotte, diadia connaît Wittgenstein et toutes ses histoires, il connaît tout le monde, comme je l'envie.
Maman: - Sais-tu que même Wittgenstein respectait tellement les convenances qu'allant au théâtre avec sa femme, il ne lui donnerait pas le bras.
Moi: - Quelle honte ! Bien sûr autrement ils ne voyageraient pas tout le temps ensemble.
Ma tante : - Exactement, personne ne donne le bras à ses [...], voyez Hamilton, malgré tout, il ne donne jamais le bras.
Moi: -Non, jamais. Mais quelle honte !
Solominka d'un air un peu malin:
- Moussia, mais Hamilton se marie.
- Oui il se marie, répondis-je calmement, sans rougir, ni bouger; mais comme elle me regardait toujours je levais aussi les yeux une ou deux fois vers elle, d'un air indifférent et si naturel que je suis charmée. (Cette canaille elle aussi ose !)
Je vois toute cette sale société, et je vois que nous sommes à part, comme des poussières ! Cela me ronge. Mais mon Dieu j'espère qu'avec Ton aide nous irons en Russie, triompherons de nos ennemis et reviendrons peut-être même à Nice pour à notre tour ne pas vouloir les connaître lorsqu'ils viendront en foule comme des misérables chiens ! Oh ! mon Dieu faites que ce temps arrive plus vite. Je suis si humiliée, si malheureuse ! Etre ainsi méprisée par des canailles, des chiens !!
Il est vrai que, non, non, c'est affreux, affreux ! J'en pleure intérieurement tous les instants ! Mon Dieu ayez pitié de ma misère, tirez-nous de cette position ! Permettez que nous gagnions nos procès ! Sainte Vierge à vous j'ose davantage m'adresser ! Priez pour moi ! Permettez qu'un jour nous reprenions la position des anciens temps, car il y a longtemps, lorsque les charmants frères de maman n'ont pas encore pu faire de brigandage, notre famille ★avait du poids.
Nous avons joué un rôle ! Souffrez, Seigneur que nous reprenions notre place ! Vous nous punissez, mais pardonnez-nous, supprimez votre punition, calmez votre courroux. Ayez pitié de moi.
Cet Américain Durel je crois, celui qui ressemble à mon père, nous passa à la musique au moins six fois. Je ne sais pas ce qu'il a, cet animal. Il était tranquillement près du jardin dans sa voiture, nous passons il eut l'air de regarder dans notre voiture, nous eûmes juste le temps d'arrêter lorsqu'il passe et ainsi de suite plusieurs fois. Il faut lui rendre justice, il est convenable, il ne regarde pas sans cérémonie comme certains cochons, mais respectueusement. Avant dîner encore nous allons à pied avec Bête prendre du chocolat chez Rumpelmayer.
Au retour il faisait tout à fait sombre et je tirai même mon poignard en tous cas. Si on savait comme je suis miserable ! Est-il possible que je n'ai pas le duc ! Depuis ce moment funeste j'ai perdu ma gaieté, je ne suis plus comme autrefois vive, confiante et animée, pleine d'espoir et d'assurance dans l'avenir. Je suis devenue indifférente, rien ne m'intéresse, je ne désire rien excepté aller en Russie nous purifier et revenir nous installer bien à Paris ou à Florence pour voyager l'été. Je n'ai plus comme alors le désir de rester à Nice parce qu'il y était, ou d'aller ailleurs où il allait. Je n'ai pas de but. Et j'attends tranquillement ce qui viendra, sans rien désirer, ne courant pas en avant, et tant mieux. Je me rendais ridicule quelquefois, je cherchais des yeux, je repassais dans le même endroit, j'avais l'air tiré et confus en voyant ce que je cherchais. Tandis que lorsqu'on est tranquille, on ne fait aucune attention aux autres, on est toujours even, on intéresse quelquefois. Je juge d'après moi, une personne qui veut me voir, qui montre una pretesa di vedermi, ou de se faire voir me dégoûte. %% 2025-12-07T12:11:00 LAN: CODE-SWITCH ENGLISH: "awe" - English for sublime emotion, religious/romantic %% Je me souviens lorsqu'il passait en voiture et j'étais à pied avec Mlle Collignon, il me regardait d'un air curieux, et je ne savais pas où me mettre, j'étais ridicule. Je le regardais aussi droit dans la figure souvent. J'étais saisie d'awe, j'étais comme inspirée, tout autour de moi disparaissait, je ne voyais que lui.
Je suis devenue plus femme depuis ce jour, plus sérieuse, plus posée. Il m'arrivait souvent de sauter sur un pied, ou de courir, ce qui ne m'arrive plus, je me conduis comme une grande, bête, et j'en suis très fâchée. Je ne suis ni enfant, ni femme, je suis une bête qui se rend malheureuse.