Samedi, 1er novembre 1873
# Samedi, 1er novembre 1873
Je vais avec Bête à la gare à trois heures rencontrer l'institutrice (robe neuve bleue, bien). Mais, comment la reconnaître, nous descendîmes de voiture (Auguste et Saïd sont en uniforme) et restâmes près de la porte à examiner tous les personnages qui paraissaient suspects et coupables de longues boucles et de grande crinoline. Nous poursuivîmes une Anglaise en parlant anglais et prononçant Hitchcock à chaque minute. Mais en vain, personne.
Tout le temps se passe à la maison, Paul prend la voiture et va chez Arson. A cinq heures avec peine je pus avoir le landau et nous sortîmes avec Bête. Il fait froid et presque sombre; cependant nous vîmes Vigier avec un drap de lit sur la tête.
Je m'ennuyais, je m'ennuie toujours à présent même lorsque je m'amuse. Je suis si habituée à aller avant dîner au London House ou chez [...]
[Ecrit antérieurement:
- Costume de Liberté avec jambe nue en papier mâché attachée au côté que je tendrai au lieu de la main.]
Ma prière jusqu'au lundi 13 octobre 1873.
- ★Notre Père
- Ave Maria
- Credo
- Bénir la chambre
- Que Dieu ressuscite
- Délivre-nous de la variole et des durillons
- Etre bonne
- Bonheur familial
- Vie et santé de ma mère
- Que Pavloucha soit un homme de bien (2 inclinations)
- Se débarrasser du procès (2 inclinations).
Je remercie pour tout par exemple pour Berthe, Baden, etc.
- Vivre bien, recevoir ou vivre à Paris (trois inclinations)
- Posséder nos chevaux, un à moi (2 inclinations).
- Faire la connaissance du duc de Hamilton et pour qu'il vienne chez nous (2 inclinations)
- Langues allemande, italienne et latine (3 inclinations)
- Langue anglaise et autres leçons prière et en même temps remerciement (6 inclinations)
- Pour Berthe, etc.
- Relations à Nice
- Robes, remerc. et demande
- Monter à cheval, remerciement et demande
- Pour qu'Hamilton abandonne Gioia
- Faire sa connaissance, pour qu'il m'aime et m'épouse.
- Avoir carriage horses, ride horses et race-horses (3 inclinations)
- Etre aux tirs et courses
- Bien étudier
- Bien chanter et jouer
- Bien parler anglais
- Bien se marier
- Etre riche
- (Récapitulation) - Leçons, langue anglaise, gouvernante, robes, monter à cheval, relations, mari, chevaux de course, etc.
Final :
- Vie de ma mère
- Santé
- Richesse
- Titre
- Belle situation (dans le monde)
- Epouser le duc de Hamilton et avoir trois enfants, un fils et deux filles (3 inclinations)
- Avoir des chevaux de course, parier sur eux, gagner le pari et remporter les prix (3 inclinations)
Récapitulation:
- Conserver ma mère, etc. etc.
- Que Dina se marie vite et bien
- Que Pavloucha soit un homme bien.
- Pour que ma voix soit grande, forte, pure, sonore, profonde, ronde, douce, souple, flexible et agréable (3 inclinations).
- Tranquillita.
- Salvazione.
- E tutto.
Carnet N° 12
Mon malheureux journal
commencé le samedi 1er novembre 1873 terminé le jeudi 20 novembre 1873 appartenant à moi
rue du Temple, villa Baquis, Buffa, Nice.
Malheureux journal ! Ces trois derniers livres 10, 11, 12 sont remplis de misères ! Je ne fais ce malheureux journal que pour savoir combien de peines j'avais et combien de fois mes espérances sont misères ensuite.
Samedi 1er novembre 1873 (suite)
Rumpelmayer que je dus aller ce soir aussi pour compléter la journée. Nous avons mangé des glaces aux cerises excellentes. Quel mauvais mari je ferais ! Et quelle incomparable femme je serais ! Si j'étais homme je ne me serais jamais marié, parce qu'il n'y a pas une autre moi.
A huit heures Hitchcock doit arriver. Walitsky, avec Trifon (valet de chambre de papa) allèrent, %% 2025-12-07T10:20:00 LAN: CODE-SWITCH ENGLISH: "expectation" "have" - Marie mixes English words into French, showing Miss Hitchcock's immediate influence %% nous sommes en expectation enfin je have entendre une voiture dans son roulement et Walitsky paraît en disant: Mlle Marie, Miss Hitchcock. C'est une Anglaise maigre, brune, sèche. Je la conduis dans sa chambre, ensuite je descends pour lui faire monter à manger.
Je passe encore chez elle, nous échangeons quelques mots sur le voyage, la fatigue etc. etc. sur quoi je lui %% 2025-12-07T10:21:00 LAN: CODE-SWITCH ENGLISH: "bid good night" - formal English phrase, Marie practicing with new governess %% bid good night. Nous nous réunissons tous dans la salle à manger et Walitsky, Bête, Solominka et ma tante racontent tour à tour quelques épisodes de leur vie de pensionnat.
C'est ennuyeux les premiers jours d'avoir un étranger mais "tu t'y feras ! ma fille".
Solominka se querelle avec Walitsky et se conduit très impoliment. Bête s'étonne comme dans notre maison on peut faire ce qu'on veut et payer d'ingratitude pour l'hospitalité.
[En travers: Avec ça qu'elle l'a payée avec de la reconnaissance.]
Georges prend une attestation¹ de plusieurs dames, comme la Tolstoy a tous les siens, d'hommes. Cette affaire sera drôle et intéressante.
¹ Je suis l'auteur de l'attestation.
Georges me disait d'aller voir le château du prince de Monaco, et racontait des histoires de la princesse de Monaco née Hamilton. Bête demanda si elle est jolie, alors j'ai sans doute dit que très jolie, ravissante, belle, mais Bête redemanda à ma tante, disant qu'on ne peut pas me croire là-dessus. Tout ce qui est Hamilton même (......... ). est beau pour toi Bébelle. Ma tante dit:
- Elle est très belle, un visage tout à fait comme celui de son frère, du rouquin, seulement des cheveux noirs et de beaux yeux.
J'ai chanté avant l'arrivée de Hitchcock et tout ce que je dis s'est passé avant aussi.
Ce soir son image ne me quitte pas, et j'ai une défaillance dans la poitrine (je ne dis pas cœur, ce mot m'ennuie). On ne parle plus du duc de Hamilton chez nous.
J'ai traîné la géographie avec Collignon de peur d'arriver en Angleterre et sur la carte où j'ai gratté et réécrit son nom à l'encre et maintenant j'ai tout simplement arraché la carte d'Angleterre de l'atlas, je l'ai mise en pièces et brûlée.
Tenez, à l'instant je l'ai vu ! Je ne puis pas croire que je l'ai vu de près au Tir, ce me semble un rêve. Le moment où je le voyais je n'étais pas sur la terre mais dans les nuages - (de la fumée qui sortait de son fusil.- Bêtise !) et ce soir je vois si distinctement sa face que j'en suis ravie. Je n'ai pas décrit en détail le jour du Tir mais je me souviens de tout comme si j'y suis en ce moment, tout le monde, les places qu'occupait un tel ou une telle, mes mouvements; le steamer de Wittgenstein qui voguait tout près de la terrasse du Tir, la conversation que j'entendais, devant moi Randouin, Sharjinska etc. à droite lady Falkner etc. à gauche des Anglais et derrière les Galve etc. et enfin pour un instant, très près, lui. Il se tenait pas loin des Galve appuyé près d'une colonne le dos tourné à la mer et écrivant sur un genou dans son carnet, je suppose. Il changeait de place. Ma main devient gelée et j'ai sommeil, il est presque une heure.
Mais comme tout en lui me semble parfait ! Je suis honteuse de moi pour l'année dernière, j'étais une ridicule petite fille et je pensais que quelqu'un pouvait me regarder.
Oh ! bêtise ! Oh ! erreur ! O stupidité !
Mais si j'avais seulement seize ans alors !
Comme j'étais drôle l'hiver dernier. C'est dommage qu'il m'ait plu alors. Mais je ne comprenais pas si je l'aime ou non, ce n'est qu'aujourd'hui que je vois; mes extases d'alors furent produites par l'imagination.
Ou bien c'était ça, ou bien, c'est la bête manière dont je faisais mon journal qui rend ridicule et faux ce que je sentais.
Mais maintenant devant Dieu je l'aime.
Tout d'abord j'ai pensé à lui simplement parce que le titre et le nom me plaisaient, et la fortune me convenait, l'homme était aussi intéressant et sympathique et rien de plus, mais du moment que je l'ai vu je me suis tellement entichée de lui que c'est honteux pour une fille de mon âge. Et depuis ce moment cela va crescendo.