Vendredi, 31 octobre 1873
# Vendredi, 31 octobre 1873
Que je suis bête de n'avoir pas fait mon journal plus en détail lorsque je le voyais souvent. Comme je lirais cela avec bonheur maintenant !
[Annotation: 1875. Juste.]
Bête m'a dit l'autre jour qu'elle l'a vu au théâtre quand on donnait "Le Martyr", eh bien il me semble comme si je l'ai vu moi-même et je me représente tout comme si j'y étais, je me rappelle de cela comme si je l'ai vu moi-même et je me souviens de chaque détail de sa pose surtout; comme il parlait avec Mlle White, je crois la voir aussi, mais tout à fait comme si j'ai vu tout cela moi-même.
Suis-je assez folle ! Le soir nous restons très tranquillement tous au salon, nous causons, nous tricotons, car je n'ai pas changé de tic. Je suis chargée de corriger et rédiger toutes les lettres pour toutes les affaires, encore aujourd'hui j'ai dû écrire l'attestation de Solominka pour l'affaire Tolstoy à Aix.
J'ai renvoyé l'Italien tant j'étais en rage, j'ai pleuré amèrement.
Je pense que la pluie ne viendra m'empêcher de sortir aujourd'hui. J'ai fait arrangé devant moi la robe bleue par Auda et je lui donnai la jaquette marron comme il n'y a rien à copier: c'est fait, Dieu merci !
Je suis allée à la chasse mais il n'y a pas d'oiseaux; pour m'amuser j'ai tiré plusieurs fois en l'air oubliant que je n'avais que quatre cartouches, il me restait un coup à faire, je tire, et en ce moment une dizaine d'oiseaux se lèvent d'un arbre voisin, j'ai poussé un cri de démence en les voyant s'envoler et ne pouvant pas tirer. Fâchée, je rentre.
Nous sortons, moi, Bête, Solominka, nous laissons Solominka avec Georges chez le procureur.
Maman va mieux. Je m'ennuyais à mort en voyant la promenade déserte mais comme pour me consoler parurent la Skariatine avec sa laide fille, la Prodgers, la Vigier. Oh ! la Vigier est si ridicule, elle n'a presque pas de cheveux, et ce peu est blanc, bien pommadé et collé sur les tempes de manière qu'on voit la peau de la tête; tandis qu'au milieu une touffe de cheveux s'élèvent jusqu'au ciel. Pour encore plus me distraire parut le bataclan, et enfin Wittgenstein bien que de très loin. Je pensais qu'il est parti, comme sa villa est fermée. J'ai cru voir de la promenade son steamer qui rentrait au port. Nous le vîmes ou du moins je l'ai vu remontant la promenade en voiture tandis que nous descendions. Cette fois j'étais toute contente:
- Mais voyez donc, princesse, Wittgenstein, le véritable !
Car il y a un paysan qui lui ressemble et que Bête nomme Wittgenstein.
Je dois avoir de quoi parler. Au départ de Gioia je croyais que je mourrai d'ennui, mais Dieu m'envoya la paire Wittgenstein, à leur départ en vérité je ne savais plus de quoi parler et quoi regarder à la promenade et maintenant je vois Wittgenstein et je suis contente de voir une âme vivante. Car tous ces vilains bataclaniers ne valent pas la peine d'être spoken of, mais même d'être regardés. Il me faudrait encore une femme comme Gioia pour la regarder, mais [Rayé: je ne pourrai jamais] non, comme je suis bête ! Gioia m'intéressait à cause du duc et elle m'intéresse encore par souvenir du duc, et un peu parce qu'elle est remarquable dans son genre. Mais quelle autre peut m'amuser comme elle ?! Jamais personne. Sa femme seulement; mais c'est trop mauvais pour mon cœur. Diable ! je suis joliment bête: mon cœur ! où est-il ? En effet depuis le mariage de Hamilton je l'ai perdu et je ne peux pas le retrouver, il me semble qu'il a passé à droite.
[Rayé: Ce sera très bien]
Demain doit arriver Miss Hitchcock à trois heures. Je reçus l'avis d'Angleterre que ma selle est expédiée.
On arrange je ne sais pas quoi chez Gioia, je voudrais savoir si on meuble à neuf ou si on vend. Je voudrais qu'elle revienne, elle est si sympathique. J'aurai donné beaucoup pour la voir souvent et lui parler, pouvoir aller chez elle et la voir chez elle surtout.
Je continue toujours ma bande, toute cette année elle sera verte, chaque année je changerai de couleur.
Paul ne veut rien faire, il n'étudie pas, il n'est pas assez sérieux, il ne comprend pas qu'il doit étudier. Cela me chagrine, je me désole. Ce qu'il deviendra mon Dieu. Inspire-lui la sagesse ! Fais-lui comprendre qu'il faut étudier et inspire-lui un peu d'ambition un peu, juste assez pour tâcher d'être quelque chose et non un Khalkionoff ou un vilain quelconque. Il pense que Khalkionoff est une perfection, il ne voit pas la vérité et son devoir ! Mon Dieu écoute ma prière et exauce-la. Enseigne à Paul sa conduite, guide-le, et garde-le contre tous ces mécréants qui le déroutent !
Que deviendra-t-il comme ça ? Il ne veut pas étudier ! Oh ! mon Dieu entends ma prière. Conduis et garde Paul !