Mardi, 30 septembre 1873
# Mardi, 30 septembre 1873
Je vais chez maman et lui dis ce que j'ai senti hier, doucement. Il n'y eut pas de scène, au contraire on m'a donné raison. J'ai pleuré doucement la tête penchée en avant de sorte que le plancher devint mouillé et si nous étions dans la mythologie une source devrait se former. Maman m'a dit que nous ne pouvons pas aller beaucoup dans le monde à cause de mes chères tantes et de la mère Tolstoy. Que nous ne devons pas connaître Mme Skariatine qui est beaucoup à Nice.
[Dans la marge: Nous avons une nouvelle femme de chambre. Palajka est chez Rentrua.]
Le consul devait nous présenter à la préfecture mais ils sont mal. Maman n'est pas assez vive et entreprenante, elle laisse parler, on calomnie, elle ne dit rien. Et puis nous avions le malheur d'être trop bons, de recevoir n'importe qui. Et lorsqu'il y a une canaille elle en fait cent et ne laisse plus de place aux bons. Toutes les fois que je disais de ne pas voir celui-là ou un autre, on me répondait: Pourquoi, c'est un honnête homme, ou c'est une bonne femme. Oui, oui, répondais-je à mon tour, ils ne valent pas poches. Notre malheur est que tous cherchent des cœurs et des qualités, où l'on ne doit chercher que position et nom. C'est pour cela que notre famille, qui est noble et ancienne, ne jouera jamais un rôle, comme un parvenu. Nous raisonnions sur ce ton, je pleurais. Je suis au désespoir, je suis malheureuse, je pleure, je mourrai. Maman me plaisait, elle me propose de retourner chez mon père. Bêtise !
On sera toujours bête chez nous. Parce qu'une canaille a dit quelques mensonges on doit se croire coupable ? Parce que l'on ne doit pas connaître Mme Skariatine à cause de son amitié avec mes tantes, on ne doit connaître personne ?
Mille tonnerres ! On verra bien cela ! Je m'y mettrai.
Je n'étais pas aussi courageuse ce matin, je me tenais au contraire renversée sur le canapé les yeux pleins de larmes fixés sur les lambeaux des papiers qui pendent des murs, déchirés par Pitou. Lorsque Walitsky entre et demande ce que ça veut dire, maman lui répond. Eh bien dit-il, cet hiver j'amènerai Hamilton. Quale una razza del sole che dopo una tempesta, si mostra ridente e amabile, e scherza sugli fogli amora tremanti e umidi. Tel, son nom pénètre dans mon âme, la réchauffe et lui rend la lumière. Ma bouche, il y a un instant grimaçante, se change en un sourire et mes yeux pleins de larmes et voilés s'animent et brillent. Et mon cœur qui semblait endormi s'annonce par des battements redoublés. Son nom est comme le soleil qui anime et égaie par sa seule présence.
Le prof, de math, [sic] arrive, je ne pouvais pas aller mais il fallait. Je l'ai prié de ne pas me faire travailler de la tête