Lundi 22 septembre 1873
Lundi 22 septembre 1873
Le duc de Hamilton a une quantité de chevaux, ceux que je connais jusqu'à présent sont: Monseigneur, Navarre, Sir David, Sir John, Wild Monarch, The Quack, Bertrand, La Paix, Fantôme. Je ne sais pas si il a encore Cigarette, Barbillon, Fleuriste, Crève-Cœur. Je sors à cinq heures avec Bête. %% [#Bete](/src/_original/_glossary/Bete.md) [#Visconti](/src/_original/_glossary/Visconti.md) [#Gioia](/src/_original/_glossary/Gioia.md) [#Soubise](/src/_original/_glossary/Soubise.md) %% Chez Visconti je prends quelques livres d'études, j'achète des épingles et nous allons à la promenade. J'ai vu Gioia avec Soubise. Gioia avait une robe vert foncé garnie d'une passementerie blanche, même chapeau écossais.
Avec l'Anglaise, j'ai parlé du duc. Je lui demandais (nous parlions de M. Addy) si elle a remarqué le duc. J'en ai fait une description atroce. Je dis que (elle m'a demandé comment il est pour le reconnaître):
- If you see a man very fat, very red, with red hair, little grey eyes, a scotch jacket, a dirty cravat, a pink or blue chemise, a dirty grey or brown hat with the ribbon hanging on one side; going in a very small low vehicle, and a very little horse running extremely fast, then you are sure it is the Duke of Hamilton, the best family of England, the noblest blood, the royal blood, as you have juste said he is !
Elle m'a dit encore quelque chose d'extraordinaire que, pour une représentation de "La Belle Hélène", le duc a loué tout le théâtre et alla avec un ami en deux. Elle a dit qu'on le surnommait Alcibiade, je ne trouve pourtant aucune ressemblance. Elle a dit que tout ce qu'il y a de plus extraordinaire, de plus drôle, de plus étrange, de plus fou, de plus original, le duc [le] faisait. Je lui dis encore qu'il siffle toujours et qu'ainsi elle pourra le reconnaître. Je lui racontai "Carlo et le cochon". Nous avons ri comme des folles, mais j'avais le bout des doigts froid.
On va avancer les courses de Nice pour janvier et les prix seront plus grands. "Le Derby" dit: "Dans ce brillant meeting..."
Nous avons tourné à la fin de la promenade, Gioia était près de sa maison, dans une minute elle était derrière nous et ainsi toute la promenade, elle suivait. Elle tourna près du jardin public et moi, j'ai ordonné de passer par le Pont Neuf et nous nous rencontrâmes encore sur la place Masséna. Nous avions l'air de poursuivre et elle de fuir. Je désirais seulement de ne pas rire en la voyant.
Ah ! comme je la déteste ! Je ne peux la regarder calmement, je l'envie tant ! Ah ! misère ! Je suis jalouse.
Misérable que je suis ! Que suis-je pour lui ? Quel droit ai-je de !... Mon Dieu ! mon Dieu protégez-moi ! Ayez pitié de ma petitesse, ne me méprisez pas. Si je suis digne de punition, pardonnez-moi !
J'ai eu avec Bensa une discussion théologique. Voilà encore une poussière qui a des idées, mais des idées ! Fi quelle canaille ! Pauvre homme, il veut faire de l'esprit en niant Dieu, (horreur), il fait des phrases et veut dire des vérités banales et des idées qui voulaient être beaucoup et ne sont rien !
Je lui dis qu'il est un rien, pire encore, que vous êtes moins qu'une écorce d'œuf, vous n'êtes rien, vous n'avez pas d'âme, ou si vous en avez une, elle n'est pas assez grande pour comprendre. Que dis-je ? Elle est basse, elle n'est rien, comme vous ! Vous ne volez pas des poches mais vous n'êtes pas pour cela un homme de bien ! Vous ne croyez en rien ! Qu'est-ce que c'est que l'homme qui ne croit à rien ? !
Vous dites que vous n'aviez pas la force de prier lorsque vous étiez entre la vie et la mort sur un rocher, vous dites que vous ne saviez pas par quoi commencer, quoi dire, un Pater noster ou quoi. Voilà des preuves pour la petitesse de votre âme et la misère de vous-même. Vous ne comprenez pas, vous ne pouvez pas vous élever ! Vous êtes trop misérable. Votre âme est trop étroite, elle ne peut s'élever vers Dieu. Mais II vous pardonnera, vous ne savez pas ce que vous dites !
Ce n'est qu'un petit passage insignifiant de ce que je lui dis. Mais c'est une misère, il ne comprendra pas ! Vaut mieux le laisser dans sa bassesse.
Je suis triste et je vois cette femme et je suis jalouse; je ne la vois pas, et je veux la voir. Certes elle est mieux que moi. Je connais mes infériorités. Je n'ai que la jeunesse pour moi. Je suis malheureuse ! Je l'aime ! Il ne m'aime pas, il ne sait pas si j'existe ! Ah ! mon Dieu, dites-lui, non, non. Pourquoi ? Faites qu'il m'aime, voilà ce que je vous prie de faire. Oh ! mon Dieu. Ayez pitié de moi. Pardonnez-moi mes présomptions, mes fautes ! Ne me punissez pas ! Je vous en supplie ! Ayez pitié de votre créature !