Dimanche 14 septembre 1873
Dimanche 14 septembre 1873
Maman me réveille à onze heures. Auguste vient avec son landau et les débats commencent. L'un est pour Auguste et l'autre pour Dominique. On expose les fautes de l'un et de l'autre, enfin leurs mérites, leurs landaus, leurs chevaux. Pauvre Dominique, cela me fera de la peine si on le renvoie. Le landau et les chevaux d'Auguste sont beaucoup mieux mais le pauvre Dominique ! On offre six cents francs pour les mois d'hiver et cinq cents francs pour septembre et octobre. Auguste part et ne consent pas. Mais dans quelques minutes il revient et consent. On ne peut faire autrement que de le prendre. Papa a été tellement préparé par Trifon qu'Auguste a bribed aux cafés, qu'il est pour Auguste. Je n'ai dit ni oui ni non, je ne pouvais pas offenser Dominique ni désappointer Auguste qui se repent depuis si longtemps. Un mois après que nous avions Dominique il a cherché par tous les moyens possibles de retourner. Il alla chez Lefèvre, chez Mlle Kolokolzoff, et je ne sais plus où, demander de la protection. J'avais le cœur serré pour Dominique mais n'y pensons plus. Il y aura tant de grandes occasions qui serreront le cœur qu'il faut écarter les petites. On serait trop malheureux si on prenait tout au cœur. Je ne veux rien prendre au cœur, je ne veux rien plaindre, je veux être dure, et cependant je prends tout, je plains tout et je ne puis être insensible tout en disant qu'il faut et que je le suis.
L'affaire est over, nous avons encore Auguste. Son landau est très beau pour un loué, très beau; les chevaux aussi. Le petit noir sortira sur le siège, demain je tâcherai de trouver une heure pour commander une livrée et un chapeau.
Il pleut et il fait du vent. Maman et ma tante sont chez les Anitchkoff, je vais là (manteau de pluie, pas mal), je les mène à la gare et je retourne prendre la princesse et aller prendre du chocolat au London House.
Ce matin, j'ai dit que je veux dire à M. Lefèvre combien sa conduite au théâtre était inconvenante. Je m'indignais de toute la force de mes poumons. Si vous ne savez ou ne voulez pas remettre en place, moi je saurai, et je me défendrai moi-même, ainsi j'ai terminé mon speech.
A l'instant il s'est trouvé des défenseurs, on me citait des exemples, que Lewin alla chez Gioia, puis chez Mme Prodgers, enfin que Hamilton est souvent avec Gioia en public.
Que me font tous ces gens, Lewin, diable, Hamilton, satan, peuvent aller où ils veulent, qu'est-ce que ça me fait II? Je me défends, moi, et le reste fera ce qu'il voudra II!
Walitsky m'ennuie avec Hamilton, il dit des cochonneries, me dit que je rougis, mais je ne rougis pas, ou bien un peu.
Je suis heureuse de résister à ces plaisanteries, calmement, ne pas me confondre, et pouvoir parler de lui comme de tout le monde. Mais lorsque je dis son nom, je dois avoir une figure radieuse, un sentiment de bien-être s'empare de moi, je tremble de plaisir intérieurement. Ah ! hélas, je ne puis décrire ce que j'éprouve, seulement je suis heureuse.
- Pourquoi m'ennuyez-vous avec cet Hamilton, vous ferez tant qu'en le voyant, je rougirai comme une bête, et pour rien !
- On m'avait dit, ma chère, que vous rougissiez bien avant, dit Bête et que (comiquement) Gioia voulait vous tuer.
- Ah ! Dieu si elle voudrait me tuer, comme je serais heureuse !
Ce duc de Hamilton devient populaire, malheureusement. Mais j'aime tant parler de lui, je parle avec exaltation, je tâche de paraître calme. Je considère Gioia comme une rien. Moi et elle sont deux choses différentes.
J'ai expédié mes lettres à Canterbury et nous dînons. On va au théâtre, je vais aussi, mais seulement pour entrer et sortir, je garde mon waterproof, les Niçois s'étonnent, mais je les regarde comme des chiens. A neuf heures, je pars, on vient de commencer "La Patrie" que j'ai vue l'année dernière.
Je couche Nadia au salon jaune avec Bijou. Khalkionoff est dans la loge. Paul et lui me conduisirent jusqu'à la voiture. Khalkionoff trouve mon manteau très chic. Je fais autant attention à lui qu'à un premier passant dans la rue.