Vendredi 12 septembre 1873
Vendredi 12 septembre 1873
Aujourd'hui j'ai bien travaillé, je suis contente de moi. L'Anglaise m'a dit que you speak very well, indeed I would never say that you are a foreigner in hearing you. Je ne puis croire que je parle bien, je désirais tant parler l'anglais et lorsque je le parle, je ne puis pas le croire. Je ne crois jamais aux éloges, c'est-à-dire je crois que ceux qui me le disent le pensent, mais en moi-même je ne puis m'accorder aucune qualité.
J'étudie donc l'anglais, le français, l'italien, le latin et l'allemand. Piano et dessin. Et sans doute toutes les sciences comme géographie, cosmographie, arithmétique, grammaire, littérature, histoire, histoire naturelle, etc. etc.
J'ai joué du piano une heure et demie et on sert le dîner, j'ai étudié neuf heures juste.
Demain Dominique viendra avec son landau.
La petite Nadia m'ennuie souverainement avec ses baisers.
Nous sortons, je rencontre Manotte, il viendra demain. Nous allons chez Mouton, il a acheté deux chevaux, l'un desquels est fort beau. J'étais à l'écurie, ils sont parfaitement tenus, les chevaux. J'ai envie de monter le cheval de Khalkionoff, Mouton assure qu'il n'est pas fou. Nous mangeons des glaces et rentrons.
Orgechko, les deux Anitchkoff et Khalkionoff sont chez nous. Maman est couchée malade.
Je commence à parler des chevaux, du cheval de Khalkionoff, celui-ci prétend qu'il est très enragé et surtout apte de s'effrayer et de jeter le cavalier par terre. Je crois que, simplement, il ne veut pas que je lui enlève son cheval. A l'instant, papa révèle ses sentiments et cite une centaine d'exemples: comment un cousin s'est cassé la tête, le comte de Toulouse-Lautrec la jambe et un autre le crâne, etc. etc. Il vient chez maman et lui dit qu'il faut empêcher cette enfant (moi) de monter, elle veut absolument etc. etc. etc. ! Je n'ai dit rien de semblable. Maman me prie de ne pas aller, avec toutes les conséquences. Enfin, je ne sais comment, mais on me pose de manière que je fais des caprices, je veux absolument monter, je suis volontaire. Lorsque jamais de ma vie je n'ai pensé rien de pareil. Les Anitchkoff sont contents de l'occasion, se mêlent et prennent le parti de maman, pauvre femme, et moi, une impertinente, capricieuse etc. J'ai prié calmement maman de cesser pour ne pas créer des histoires d'un rien, mais au contraire, elle continue et ainsi de suite. Fidèle à ma promesse, je ne me suis pas laissée emporter et, mon Dieu, il y avait de quoi II Je reste seule avec maman, lui explique tout, mais elle pleure, ce sont les nerfs. Avant d'entendre raison, elle se désole. Nous avons fait la paix, pas moi, je n'étais jamais en guerre, mais elle. Enfin tout s'arrange, la princesse pense m'avoir influencée et par là rendu le calme à la malade, les ânes se croient deux anges gardiens. %% 2025-12-07T16:19:00 LAN: CODE-SWITCH: "obstinacy" - English, stubbornness %% Tout le monde est satisfait de soi. Et moi en trouble, je ne peux demeurer indifférente à tant de bêtise, d'obstinacy, de ce je ne sais quoi qui m'énerve. Je ne puis parvenir à faire comprendre à ces gens que... ah ! enfin. Lorqu'un dit, une mouche a volé, ah vraiment, mais à qui la faute, je n'ai rien fait. C'est toujours ainsi, pourquoi dites-vous que ce n'est pas, vous pensez que c'est moi. Ah ! que diable, qui la fait voler ! Tout le monde se jette sur moi. Je suis sans cela insultée ! Et ainsi de suite. Voilà la vie de tous les jours, de tous les instants. Et on pense qu'il est facile à un homme sensé de vivre au milieu de fous. Car n'importe sur quel point, mais chacun est toqué. Je try to do the best of everything mais vraiment c'est insupportable. Comme ce soir avec le cheval. Seulement parce que j'ai dit que ce cheval est bien et que Mouton m'assure qu'il est tranquille, on a fait une histoire que je veux absolument galoper sur ce cheval, que je me tuerai, que ce cheval me heurtera contre un mur, que, que, que, je ne sais vraiment plus quoi.
Ah ! mon Dieu c'est une épreuve, je veux la souffrir puisque on me l'impose. Pauvre maman est tellement martyrisée par cet entourage qu'elle est devenue très irritable et nerveuse. Papa la ronge.