Lundi 1er septembre 1873
Lundi 1er septembre 1873
Je descends et le premier mot de maman:
- As-tu rêvé de Hamilton ?
Nous restons dans la salle à manger à causer. Walitsky apporte l'habit de Paul et me demande mon avis, car il faut dire que tout le monde, hommes et femmes me consultent. J'ai dit que plus clair serait mieux.
- Sans doute, dit-il -le duc en porte de ce modèle, Rachel aussi.
C'est fini maintenant, on va m'ennuyer !
On a parlé des revenus du duc; ma tante dit qu'il est devenu pauvre.
Au lieu de quatre-vingt-dix mille livres, il a vingt mille livres. C'est encore bien, dit maman. Walitsky, commence ses bêtises, il a raconté à Makaroff que le duc, à la suite de la défense d'amener ses chiens à la promenade, a amené un cochon attaché à son pied.
Puis il ajoute:
- Quel original, l'année dernière il a donné un déjeuner et on a servi la soupe dans des pots de chambre.
Il a encore dit des saletés, cochon. Je n'écrirai plus tout ce qu'on dira du duc, ce sera ennuyeux et long. Cette impossiblement bête princesse m'appelle duchesse. Makaroff s'est oublié, il a parlé haut et assez d'une manière tranchante à cause de son frère, cet espèce de fou, la princesse l'a taquiné et tout le monde un peu. Lui, a dit des impertinences, et ainsi de suite (je parle du frère); notre Makaroff s'est repenti d'avoir parlé et a fait des excuses à papa mais celui-ci monte sur ses grands chevaux, amour-propre etc. etc. Il est vraiment maniéré ce Makaroff, il a fait des excuses et est confus lui-même. Il est si bête et drôle, mais excellent professeur. Le duc de Hamilton est en vogue; ils vont m'agacer comme des bêtes. Je sors avant dîner avec ma tante, la princesse. Elle me dit encore duchesse et puis:
- Il est roux, laid.
- De qui parlez-vous ? Si c'est du duc de Hamilton, je vous dirai qu'il est dix mille fois mieux que votre mari.
Dans la journée nous restons tous ensemble, je n'ai pas encore commencé mes études et par conséquent suis avec tout le monde.
Maman dit:
- Et comment Berthe a dit que Hamilton l'épousera absolument.
(J'écris au clair de lune)
- Ça peut bien être, dis-je, qu'est-ce qu'il y aurait d'étonnant ?
Maman a défini Berthe: jolie comme un ange, espiègle et grossière comme un diable, porte une canne et marche une jambe éloignée de l'autre. La bête princesse dit:
- Qui est Berthe, une indigne rivale ? Ça ne fait rien, nous la tuerons. Et vous étiez dévorée par la jalousie.
J'ai raconté en quelques mots Berthe. Maman dit:
- Mais tu es loin de Hamilton comme moi de l'empereur de Russie.
Je fis un geste.
- Oui, continua-t-elle, car si Hamilton venait et me baisait les mains, me suppliant de te donner, je refuserais, il a une Gioia, il ne peut vivre avec une femme honnête, un homme qui est habitué ne peut pas, ces affections-là ne finissent point.
Lorsque je me mariai, Marie Ivanovna Perlik, une fille toute simple, est venue chez moi, a fermé la porte et me dit: Mademoiselle je vous connais et vous aime, n'épousez pas Bashkirtseff, il a une maîtresse et la maîtresse a des enfants. Ne comptez pas sur votre jeunesse et votre beauté, dans deux semaines après le mariage il va chez son ancienne. Et en effet il alla.
Maman dit tant que j'ai vraiment peur. Je voulais dire que s'il m'aime il ne peut plus aimer l'autre, me basant sur la fin de mon livre numéro 8. Mais je me suis tue, autrement je serais ridicule. Maman a bien peur. Avec Boreel, elle plaisantait, ici elle voit sérieux et elle veut m'en détourner. Ce qui me le rend plus cher. Il faut toujours agir contrairement. Mais il faut voir s'il voudra de moi avant de refuser et d'avoir peur, chère maman. Vraiment vous m'effrayez, vous me découragez ! Si vraiment dans un an il m'oublie et retourne à l'autre ! Je me tuerais, si cela aurait pu être.
Je veux apprendre à sauter à la corde, je me suis spogliata et j'ai commencé, chaleur extrême, avec la corde. Dîner (robe grise, bien). Vraiment je ne suis pas trop laide. Le soir nous sortîmes avec grand-papa, ma tante et la princesse à Monaco, elle a vendu son chignon pour vingt-cinq francs et a fait la fête. Maman a très mal à la tête, Dina reste. Ah ! comme la petite fille de la princesse m'ennuie. J'ai dit que Gioia est ici et a des chiens comme Renard. J'ai dit que papa, en connaissant son mari, peut bien aller chez elle. Papa voulait un chien, il a raconté l'histoire des Renard à Bade. Papa admet parfaitement que le duc est marié à cette femme.
Le soir les Anitchkoff viennent, ils ont déménagé un peu plus loin de chez nous.