Vendredi 2 février 1883
# Vendredi 2 février 1883
Grand dîner, très chic, 30 rue Ampère. La vicomtesse de Janzé, Mme Gavini, la princesse Bonaparte de Villeneuve, comtesse Ducos, MM. Gavini, marquis de Villeneuve, Montgomery, Alexis, M. de Morgan. Michel, baron de Nervo, Carolus Duran.
Des épaules, des diamants, des fleurs. Carolus est toujours adorable faut-il le dire, je dîne entre lui et Nervo qui me trouve bien ce soir... Il a la manie du chic...
Je suis en mousseline blanche, souple, molle, drappée, une seule natte dans le dos avec un ruban blanc. Souliers rose pâle, des roses au bas du corsage.
Carolus dit qu'il me retrouve enfin comme la première fois il y a cinq ans, cette enfant altière, volontaire, éclatante avec plus de souplesse et plus de bienveillance... J'étais insolente paraît-il, il y a cinq ans; ternie il y a un an et maintenant la gloire. Est-il aimable... C'est un homme précieux, c'est lui [Mots noircis: qui anime tout le monde lorsque on monte à l'atelier sa guitare] et ses chansons avec la cigarette entre les dents... Le petit coin sous le palmier que je me promets de rendre célèbre est fort brillant ce soir; Mmes Randouin, Engelhardt et les Faleyeff, MM. Engelhardt, Randouin, comte Plater, Sautereau viennent après dîner... Odette chante avec Carolus, Montgomery joue du piano... C'est élégant et pittoresque...
Montgomery est un secrétaire d'ambassade de trente-huit à quarante ans, quarante mille francs de rente, les attelages les plus soignés de Paris; donne des dîners aux dames du monde... Fils naturel d'un Anglais... Sa sœur a épousé le fils de Janvier... Celui qu'on m'avait offert... Il voudrait bien se marier avec une fortune aussi... Naturellement esprit ordinaire mais bon garçon, et puis il me flatte en me parlant de ma supériorité, de mon talent, de l'art... Je vois la vie d'en haut, je veux que tout soit beau, noble et pur... Il dit que j'ai raison...