Lundi, 17 août 1874
# Lundi, 17 août 1874
Encore des courses, moi et maman allons seules en voiture. J'ai vu le Bec et le prince Ipsilani, il était étonné de me voir, m'a beaucoup regardée de tous les côtés. Mais aujourd'hui c'est une course à accidents. Wheelwright court, et après une descente semblable à celle où Carlo Hamilton était tombé, il tombe. Son cheval Black Friar, avec lequel il a gagné à Spa, voulait se dérober, Wheelwright fit un effort pour le retenir, mais le cheval fait un bond de côté, l'homme se cogne au poteau, l'étrier se casse et il tombe la face sur ce poteau, le cheval continue seul et arrive troisième. À l'instant toute la foule se porte du côté de l'accident et le pauvre Wheelwright est ramené par le marquis de Vrière et par le baron *** accompagné de la foule comme un ours ou des chiens savants. Je me suis mise à la fenêtre, toute la face était ensanglantée, et Merjeewsky qui était à côté de moi disait qu'un œil est crevé.
Je ne sais pas pourquoi mais on disait qu'il s'est cassé le bras.
Ce n'est pas la première fois que cela lui arrive. Je me suis montrée très féroce à côté de la sensibilité du comte, (venu aux courses pour moi) j'ai ri.
Dans la dernière course au même endroit, un cheval est tombé, s'est cassé le dos et on fut obligé de l'achever sur place. Le jockey est sain et sauf.
Nous retournons en compagnie du Polonais. Je dîne avec Paul et Walitsky chez nous et écris après dîner. Maman et ma tante et Dina rentrent.
Ma tante me nomme comtesse, je rage, alors elle me dit,
— Duchesse, tout ce que vous voudrez :
— Je sais que la duchesse te plaît, tu sais on dit que la femme d'Hamilton est mort.
— Eh bien ainsi il t'épousera.
Une bêtise dite au vent, une pareille folie me fait sourire et même penser ! Créature misérable que je suis.
J'habille maman, puis m'habille moi robe rose, cheveux pendants, bien, le soir je suis rose.
C'est un grand bal de courses ce soir au Casino. Les salles sont pleines, le monde est assez bon, mais pas une toilette remarquable.
Le Bec est en blanc, comme à la grand-messe à Nice.
Maintenant je devrais raconter ma conversation avec le Polonais, ça m'ennuie tant. Je suis paresseuse d'écrire.
Il vient et se tient debout derrière moi. Nous sommes à droite tout près de l'orchestre au troisième rang sur un canapé.
Il a débuté en disant qu'il a une foule de choses à me dire, puis toutes sortes de problèmes, il fallait toujours lui dire, mais allez, dites, non je ne me fâcherai pas, etc.
— Il faut que vous sachiez mademoiselle que je ne veux rien faire ni dire contraire à la volonté de la personne à laquelle je parle.
— C'est bien.
Je lui ai dit que Basilévitch sait l'anecdote, de la princesse Eristoff et je lui ai dit ce qui a été dit à ce sujet entre moi et elle.
— Alors elle a dressé ses batteries le même jour parce qu'elle m'a demandé la même chose.
— Et vous avez répondu ?
— J'ai répondu presque comme vous.
— C'est mal.
— C'est-à-dire que j'ai dit presque, j'ai dit qu'il serait extraordinaire qu'on n'admire pas une demoiselle aussi jolie, aussi spirituelle et ayant tout, même de connaissance de monde, mais que, madame, depuis le jour où je vous ai vue à Spa, mon cœur était perdu. Elle a baissé les yeux et rougi, et n'a rien trouvé à dire.
— Elle a cru, et elle avait raison n'est-ce pas ? dis-je puis encore toutes sortes de choses.
Il a composé des vers qu'il a prié Walitsky de traduire. Quelle traduction ce sera ! puis une romance, tout cela pour moi. C'est très agréable, quand je serai plus âgée je m'en souviendrai avec plaisir. Je lui demanderai sa photographie au petit. Comme c'est bien qu'il ne me plaît pas, qu'il me dégoûte plutôt.
Ce petit jeune homme a un gant à moi, qu'il a volé à Spa. Ma tante m'a dit que ce n'est pas vrai, alors je l'ai prié de me montrer ce gant, il n'y consentit qu'avec ma parole d'honneur de le rendre. Le gant est bien à moi, je me souviens même de l'avoir perdu. Je l'ai rendu, il n'y a pas de mal à ce qu'il le garde, cela me flatte et le rend heureux.
Comme il m'aime ! je croyais qu'on ne pouvait pas m'aimer. Oui, les personnes que je veux ne m'aiment pas hélas !
[Annotation : 1876. Rome : Bigre ! comme c'est vrai.]
On nous a présenté un Anglais, M. Foster, et sa sœur, et encore deux demoiselles anglaises, tous les quatre comme il faut et gentil. M. Foster est très laid. J'ai dansé une polka-mazurka. Ici on danse toute la danse avec le même, on se promène avec lui.
Il m'a conduit au buffet. À onze heures trois quarts nous partons, Basilévitch avec nous, elle veut à toutes forces Merjeewski, pauvre laid ! Mais je ne le donnerai pas, il ne se donnera pas c'est-à-dire.
J'attends [Rayé : seulement] l'arrivée de Marguerite parce que les Plobsters arriveront peut-être avec elle.
Doria Pââmphilii comme dit Rodionoff, est parlé chez nous, pas pour moi, mais parce que Doenhoff a dit à maman qu'il a dit à Spa en me voyant entrer au casino, voilà une enfant comme il faut.
Il a encore dit, mais maman s'est contentée de me dire cela seulement.
— Ah ! tant mieux ce n'est pas un faquin qui a dit, dis-je.
— Oui, oui, c'est ainsi, dit-elle d'un ton de regret et de convoitise.