Bashkirtseff

Dimanche, 16 août 1874

Orig

# Dimanche, 16 août 1874

À une heure et demie Basilévitch avec Doenhoff et Basilewsky, le frère de la princesse Souvoroff, devaient venir chez nous pour aller ensemble aux courses. Mais maman se trompe d'heure et nous partons à une heure avec les Toumancheff à pied. Ce trajet n'est pas long mais le sable est affreux ! Après une dizaine de minutes de marche je commence à murmurer comme les Juifs dans le désert, ces murmures bientôt se changent en lamentations, puis en larmes !

À pied, aux courses, avec les paysans, sur du sable, à pied, au Var aux courses ! disais-je ou soupirais-je tout le temps à travers les larmes.

Mais arrivés au bureau ce fut pire, cette charmante famille prend des places à un franc derrière la corde ! Je ne comprends pas d'abord, ensuite je suis hors de moi, je pleure etc. etc. etc.

Maman, moi et Dina allons dans la meilleure tribune (robe grise, bien). Dans dix minutes Doenhoff vient et reste avec nous. Il est depuis longtemps épris de maman, dit-on, et le soir au théâtre, dit-il, cherchait la maman mais ne voyait que les demoiselles.

Basilévitch dit que la fille lui plaît aussi, mais on ne peut comparer avec la mère.

Elle vient et maman, elle et Doenhoff forment une conversation de bains de mer ! Moi et Dina regardons les courses et le monde. On retourne à pied, tous ensemble.

J'oubliais de dire que Merjeewsky est arrivé hier et aujourd'hui est aux courses. Basilévitch court après lui, elle est en ce moment seule.

Je lui [Rayé : dirai], dans un moment choisi, défendrai de faire la cour à cette dame, il n'en n'a pas lui-même envie, je pense. Mais enfin.

Je marchais avec Dina et ce jeune cochon, non il n'est pas digne d'un si beau nom, de ce jeune limaçon, lorsque Paul me vient chercher, maman, Basilévitch, Doenhoff et Basilewsky ont trouvé un omnibus.

— Mais Mademoiselle mais il vaut mieux marcher, mais où allez-vous ?

— Non, j'aime mieux.

Je fais quelques pas avec Paul, puis me retournant :

— Je m'en vais parce que vous ne me faites pas la cour.

— Mais mademoiselle, mais que faut-il que je fasse ? dit-il interdit.

Je m'en vais le laissant bouche béante.

Je dîne chez nous avec maman, Paul, Basilévitch et Basilewsky.

Après on monte chez nous fumer et prendre du café.

Le soir, au Casino, les salons sont beaux mais le monde est sale, il y a foule immense, Basilévitch est avec nous. Elle m'a dit que le comte est amoureux de moi. J'étais très étonnée, il le cache assez bien ce me semble. Elle en est fâchée. Je lui dis que ce n'est pas vrai. Au Casino elle m'a demandé s'il me plaît :

Non, personne ne me plaît. Vous êtes si discrète, vous ne parlerez pas.

— Au contraire, je parle toujours.

C'est une bête et rusée femme.

Doenhoff vient et se place derrière la chaise de maman, nous assises contre l'orchestre de sorte qu'il est enfermé Basilévitch [Rayé : est] envie maman. Cette créature ! elle n'a pas de cavalier, et maman la femme tranquille en a un.

Misère des misères !

Envies humaines !

Le comte vient, salue et s'enfuit. Je pensais qu'il va chercher des fleurs, mais il ne revint pas. Nous partons à onze heures. Basilévitch est allée trois fois voir la princesse Merjeewsky à l'autre bout de la salle.