Jeudi, 6 août 1874
# Jeudi, 6 août 1874
Je vais retrouver maman au bain. Je mets ma robe écrue, un fichu de mousseline avec valenciennes, le chapeau à fleurs et je me trouve adorable, les cheveux sur le dos. Je suis adorable parce que je suis rose, très rose.
Chez Baas, Gericke nous trouvons mais ne le regardons pas.
Je redeviens pâle, la couleur qui avait illuminé ma figure s'est en allée.
Nous allons à la musique, au bal d'enfants.
M. de Jahal est parti.
Je n'ai pas dîné, je me sens mal. J'ai mal dans la poitrine gauche, la première fois ce mal me prit lorsque je lisais du cancer d'Anne d'Autriche à Nice, mais alors ce n'était [que] par moments, depuis hier soir ce mal ne cesse pas.
Si je mourrai, je brûlerai mon journal. Je serais désolée de mourir..., je vivrais comme j'aime ou je mourrai. L'un des deux. Je n'ai que quinze ans. Mon Dieu !
Je m'habille avec peine, robe rose, cheveux pendants pour le théâtre "Les pattes de mouches". Paul, ce garnement, a joué et a gagné quatre cents francs et nous prit une loge. Je me trouve si mal au théâtre que je défais mon corsage (mon mal reprend) et me place derrière le rideau, nous sommes dans une avant-scène.
La pièce est très amusante, il n'y a personne d'intéressant. Je croyais que M. de Biesme venait, je l'ai vu à cheval avec une petite fille et puis à pied allant au Casino. Il passe plusieurs fois par jour par la rue où nous demeurons, à cheval, à pied etc. etc.
Maman me tourmente avec ses lamentations, et pleure toute la soirée puis dort dans ma chambre. Elle croit que je suis malade et je suis furieuse de cela.
Je ne veux pas recourir aux médecins, je prierai Dieu.
C'est que j'écris et mon mal me tourmente, c'est une douleur sourde et lente qui me tourmente, qui me ferait gémir si je ne me retenais pas, qui m'empêche de manger, de marcher, de voir, qui me maltraite.