Mardi, 4 août 1874
# Mardi, 4 août 1874
Les Tamancheff sont à Ostende et nous ont télégraphié deux fois, c'est très agréable, de retrouver d'anciennes connaissances. Lausberg a loué son appartement pour un mois et comme nous ne restons qu'une semaine nous déménageons à la cour de Londres vis-à-vis le Pouhon mais de côté.
Je prends un bain ferrugineux, puis je vais déjeuner chez Baas avec maman. Je vois un homme montant les quelques marches à gauche, se courber tout à coup, puis saluer et aller se mettre de l'autre côté et tournant le dos. C'est le charmant Gericke que nous avons effarouché.
Le Grec n'a pas osé nous venir parler que quand Gericke était parti.
On déménage, maman hurle, se lamente, nous tiraille ; c'est le Tir au pigeons, Paul est là depuis longtemps, il tire. Je dis sèchement d'aller, alors maman dit que je n'ai pas prévenu d'avance, parce que je n'ai pas hurlé !
— C'est parce que je n'ai pas crié, eh bien je hurle maintenant !
— En effet on ne se compte prié et prévenu que quand je crie et hurle une semaine d'avance. Cela m'ennuie.
Je me contente d'un muet mécontentement, de penser combien je déteste tous en ce moment, combien ils me martyrisent, m'agacent, m'ennuient et d'invoquer Hamilton ou Wittgenstein comme je fais dans de semblables cas.
— Mais moi, Mademoiselle, je ne vous ai rien fait ?
— Vous aussi !
— Comment !
— Non, vous n'avez rien fait, ce sont eux qui me tourmentent, délivrez-moi plus vite, vous êtes bon, je vivrai si bien, je serai si heureuse.
Alors il me prend la main et me regarde. Voilà quelles folies m'occupaient. En vérité on m'agace comme tout !
Je déménage et m'occupe à arranger un corsage, je suis rose mais la tête me fait mal. Le comte fait une visite, il est revenu à l'instant, je ne sors pas le voir.
Pour aller dîner chez Baas, il y a des tiraillements, des imprécations, des hurlements sans fin et encore maman va avec une mine de condamnée, marche comme si on la conduisait au supplice et montre au public une face impossible. Cela m'énerve !!! Je dîne bien mais je make haste, car tous regardaient la figure de maman.
En rentrant de Bauche nous rencontra et parla de la mauvaise humeur de maman, ce n'était pas difficile à remarquer !
On s'habille pour aller chez la marquise.
Je suis en blanc-Worth, cheveux pendants, très bien. Il y a chez elle ceux de toujours, on danse beaucoup, je maltraite le comte, pas une danse ; ce sont Winslow et Ladd qui me font la cour, beaucoup. Le comte se cache.
On organise une espèce de cotillon, je n'ai pas une seule fois choisi le comte. Je propose de jouer au chat et à la souris, cela a beaucoup amusé comme figure de cotillon. Il n'y avait pas un homme.
Les deux Merjeewsky et maman ont dansé la mazurka polonaise, que je vois pour la première fois et que je trouve trop échevelée. La femme et l'homme se jettent l'un sur l'autre, on a envie de leur jeter un seau d'eau froide. Je n'aurais pas pu la danser avec un homme qui me plairait. On se trouve toujours dans ses bras.
Il est deux heures passées, je me presse comme une locomotive, je suis contente de moi. Vive Worth ! Laferrière est une faquine.