Bashkirtseff

Vendredi, 31 juillet 1874

Orig

# Vendredi, 31 juillet 1874

J'avais froid la nuit, sous les yeux c'est bleu, je suis pâle. J'ai un peu mal à la tête. Paul me raconte une histoire adorable, cette nuit toute la jeunesse de Spa sortit, changea les enseignes de tous les magasins. Mit la lanterne à l'hôtel de Flandre, toutes les fleurs du Pouhon chez la Robenson, le Débit de tabac dans une confiserie, une grande voiture antédiluvienne [Rayé : ils placèrent] au milieu de l'allée des sept heures et plusieurs autres bêtises. Eux-mêmes au moindre bruit se réfugiaient sur Annette et Lubin où ils attendirent l'aurore, de Thiers se sauva dans sa campagne ayant été attrapé par les gendarmes.

Je pense, que lorsque je serai indépendante je ferai faire aux jeunes gens des choses dans ce genre sous ma conduite, et encore des choses plus gentilles. On m'adorera.

Je suis bien portante mais les yeux sont cernés et je suis pâle.

Brandon

[Rayé : Rayé : Nodnarb]

Demain Gambart donne une fête champêtre dont voici le programme.

Depuis longtemps nous n'étions à la promenade, aujourd'hui c'est une distraction, nous trouvons la comtesse Merjeewsky seule sous un arbre, de l'autre côté de l'arbre était la princesse Marguerite et [sa] suite. Cette pauvre comtesse ! son mari a eu l'audace d'amener avec lui la deuxième Thérèse. Le père de Thérèse souffre cela, est très content et s'impose constamment à cette pauvre femme. Quelle famille ! Mais le père Witoslowsky, voilà ce qui m'étonne.

La comtesse a presque dit, presque tout, dans tous les cas elle a assez dit pour que je me confirme dans mes soupçons.

Quelle famille !

Je n'aime pas les regards du comte.

Dîner à l'hôtel de Flandre, pour y aller je pris un âne, dans la cour nous rencontrons, la Robenson, Row, Ladd, Mrs. Ladd, Winslow à cheval. Comme nous allions dîner on a sonné à l'incendie. Tous les étrangers et ceux de la société particulière se mirent à l'œuvre. On dit que c'était splendide à voir. On voyait les élégants d'ici crottés et brûlés, sauter sur les toits, pomper, crier. Walitsky et Paul travaillèrent furieusement et lorsque Paul tout en lambeaux et mouillé rentrait par la Promenade, l'incendie était sur l'avenue du Morteau, le pavillon russe et les maisons à côté ont brûlé, on l'a applaudi.

Vers sept heures toutes les dames étaient là, moi et Dina aussi.

Mais qu'ai-je donc ? Je suis faible, je me réveille chaque matin avec un mal de tête, me lever et marcher de la table au piano m'épuise. Je n'ai aucun chagrin, je ne désire rien, je suis comme toujours, d'où me vient cette maladie, car c'est une maladie ! Mon Dieu, je vais vous prier comme autrefois, aidez-moi, guérissez-moi, ayez pitié de moi !

Faites-moi de nouveau comme j'étais. Je suis faible, pâle, laide ! Mon Dieu, guérissez-moi, pardonnez-moi, ayez pitié de moi !

Dans l'allée nous rencontrons les Davignon et les Thérèse, Paparigopoulos qui est furieux, il est commissaire chez Gambart, il lui a demandé trois invitations, une pour la Eristoff, l'autre pour une Américaine et la troisième pour Davignon, il les avait promis et Gambart les a refusées. Il a raison d'être furieux et il ne va pas demain à la fête.

Les Thérèse que je ne peux supporter me détestent et me mirent cent fois à bout par des méchancetés aimables. J'aurais voulu les battre.

Papa vient le soir voir maman qui est malade, puis s'excuse disant qu'il doit aller voir son cousin qui vient d'arriver. Il s'en va et une demi-heure après nous allons au casino, on avait dit que ces messieurs y seraient en costume d'incendie, rien de ceci n'était vrai, seulement nous avons vu Papa avec une dame qui se cacha en nous voyant, Gericke, dit-on, était là, je ne l'ai pas vu, j'en suis ravie. Il croit sans doute que je suis pâle à cause de lui, c'est révoltant !

Je ne sais plus raconter, je ne savais jamais bien, maintenant je ne sais pas du tout.

Je suis honteuse de ma figure. Que ne donnerais-je pour redevenir comme j'étais. Mes yeux sont enflés, je suis pâle, sous les yeux j'ai des taches bleues. Je suis abominable !