Bashkirtseff

Dimanche, 26 juillet 1874

Orig

# Dimanche, 26 juillet 1874

La princesse Marguerite était à l'église et tout Spa élégant avec.

Il pleut presque toute la journée. J'ai un nouveau chapeau, feutre noir très gentil.

Je vais à l'allée avec Walitsky, le comte nous accompagne, j'ai rencontré tous ceux que je connais, même le baron Forger et le duc espagnol qui m'a salué pour la première fois depuis l'espèce de présentation par Basilévitch. Et même de Neufarge m'a salué, lui qui depuis qu'on l'a banni de la société faisait semblant de ne voir personne.

Gericke est disparu, on ne le voit plus. Ce qu'il a ? That is the question. Son changement a commencé quelques jours avant le départ de Basilévitch et depuis allait crescendo. On dit que c'est de Tanlay. Et maman m'a très effrayée en disant sa supposition, que le baron est changé parce qu'il pense que je suis amoureuse de lui et ne voulant pas encourager un amour inutile...

[En travers : Cette maman ne me dit jamais que des choses troublantes. Tantôt c'est pour me fourrer en tête que quinze personnes que je ne connais pas sont amoureuses de moi, tantôt...]

Cette malheureuse idée m'était passée par la tête avant. Si c'est ainsi je suis au désespoir et je me tourmente. Le Grec vient, j'étais au piano, passe sa tête à travers la porte et forme un sourire. Maman est au lit, je ne pouvais pas le renvoyer, il entre et reste très longtemps, chantonne, joue, parle. Chacune de ses visites nous vaut une chaise cassée, c'est un Porthos.

Je reste de nouveau seule, on frappe, c'est le Polonais avec des roses qu'il me tend :

— Comment c'est pour moi ?

— Pouviez-vous en douter ?

— Vous êtes très aimable.

Et je mis ces roses dans un chandelier. Lui aussi reste longtemps. J'avais envie de lui dire que c'est peine perdue, que je ne l'aime pas.

À la musique du soir nous allons, M. de Jahal se promène avec nous jusqu'à ce que nous rentrons.

Le soir maman chante une élégie. Elle dit que le comte m'aime, qu'un pareil amour à son âge est dangereux, elle a cité un exemple mortel et toute sortes de choses. Elle a dit enfin que ce jeune poète lui a dit qu'un de ces jours il va avoir un chagrin terrible, qu'il ne pourra peut-être pas soutenir, qu'il faut beaucoup de force et de courage, etc. On prétend que j'ai pâli et rougi ensuite.

C'est toujours agréable d'entendre qu'on est aimé. Pour... je ne sais pas pourquoi j'ai dit : Sans doute c'est agréable, s'il meurt même cela me fera plaisir et me posera.

Seulement ils ont beau dire je ne croirai jamais que j'ai pu inspirer quelque chose, moi misérable petite créature.

On dirait que je pense beaucoup de moi et cependant, voyez, je n'ai pas le courage de croire qu'un homme m'aime. Je n'ose pas avoir l'audace de le croire de peur de me tromper et d'être honteuse après.