Samedi, 11 juillet 1874
# Samedi, 11 juillet 1874
Ce serait le bonheur d'avoir un saint-bernard je le nomme Notlimah. Il peut, Basilévitch nous crie de sa fenêtre qu'elle viendra pour aller ensemble à la musique, comme elle ne venait pas, j'allai chez elle, et bien contrariée je fus de cela, ayant trouvé Gericke chez elle... enfin. Je vais avec eux, maman dit qu'elle vient tout de suite. Basilévitch va donner sa carte de visite et celle de son époux, chez la comtesse Merjeeska, cette dame est chez elle et je suis obligée d'attendre Basilévitch en compagnie de Gericke, nous restions sous une fenêtre de la rue de l'Hospice à dire très tranquillement des choses toutes ordinaires lorsque la porte de la chambre s'ouvre et je vois par la fenêtre de Neufarge qui s'installe pour lire. Mon premier mouvement fut de quitter avec précipitation la fenêtre comme si je faisais mal, puis je dis: C'est un monsieur que je ne voulais pas saluer; allons faire un tour dans cette allée. Gericke est un enfant de bonne maison, il dit des bêtises en société mais seul avec moi il fut parfait. Cela m'a plu. Mais en sortant de chez Basilévitch il a fait une chose affreuse, en traversant la place il tapait avec sa canne sur la tournure de fer de Basilévitch comme si c'était un mur ou une chaise. Je l'ai raconté avec grand fracas à la maison. La visite de Basilévitch est terminée, nous nous asseyons à la musique où nous rejoignent la marquise d'abord et maman ensuite. On parle du pique-nique de mardi prochain. Le petit Polonais joue la froideur en réponse à mes impertinences.
Basilévitch était à la gare avec Gericke et son mari pour rencontrer le comte de Tanlay, qui est quelque chose auprès de Mac-Mahon. Il est arrivé, ce comte, annoncé depuis trois jours: et Basilévitch rayonne.
Avant le bal il se passe une scène [Rayé: canaille] très désagréable, mon frère me mit à bout en ne me donnant pas un livre, je voulus le punir avec une chaise, maman s'effraya et eut une attaque de nerfs. On appela Lezaak mais dans une heure, comme par enchantement, elle était au bal avec la robe grise Worth. J'étais avec la blanche Worth, cheveux sur le dos, bien. La salle est pleine, mais nous et Basilévitch sont les seules sans chapeau. Basilévitch est avec son petit comte de Tanlay qui ressemble à tous les ténors d'opéra. [Ligne intercalée: qui est le comme il faut en personne. Il me plaît, a des manières égales, calmes et bien.] Il nous fut tout de suite présenté. Voilà qu'un monsieur s'approche de moi et me demande une danse.
- Je ne connais pas monsieur..., dis-je doucement et avec hésitation.
- Je suis M. van Halsen (ou quelque chose de ressemblant).
- Je suis trop fatiguée, Monsieur, dis-je avec un sourire candide.
A-t-on jamais vu une hardiesse pareille !
Je prends le bras de maman et nous nous plaçons sur un canapé à gauche. Derrière nous est le fameux beau jeune homme. Je liai conversation avec Mme Davignon, pour qu'il m'entende. De Tanlay danse bien, vite surtout, tout le monde regardait quand nous dansions. J'ai dansé avec beaucoup de monde, avec tous ceux que nous connaissons, excepté Macainne qui ne daigna pas m'inviter, l'ours. Avec les trois Américains, Winslow qui ressemble au concierge d'Acqua Viva, Clark qui est gentil garçon, et Ladd, une horreur, louche, très timide, le voyant ainsi I overwhelmed him. En effet, il est laid, il est timide, offusquons-le.
[Rayé: Mais voilà] On nous a présenté celui qui osa m'inviter. C'est un affreux Hollandais. Et après le beau jeune homme, l'immense jeune homme. J'aime en lui son immensité. Mais il a de vilains yeux, des manières communes et pas de genre du tout. Ne sait que faire de ses mains.
Maman me le présente, je m'attendais à entendre un nom comme Esterhazy, et j'entends: "M. Paparigopoulos". Mais c'est indigne, un papa, rigo, poulos, il est grec !
Il n'est pas beau, il a des yeux effarouchés et petits, de plus est embarrassé. Non, vous n'êtes plus fauvette, non, non, non, ne portez plus ce nom. Il ne m'a jamais plu, mais depuis ce nom, il devient indifférent.
C'est dommage, j'espérais qu'il serait un quelqu'un. Nous étions admirablement entourés. J'étais satisfaite. Dieu, vraiment il ne convient pas de mêler Dieu ici, mais il faut, puisque entre autres choses je prie Dieu de faire en sorte que nous soyons entourées et de vivre comme j'aime. Ici nous vivons comme j'aime. Qu'ai-je fait pour le mériter, il me semblait au contraire que je me conduisais mal et ne méritais rien.
Gericke est le plus gentil d'ici, il est resté près de moi pendant tout un lancier, ne sait pas parler. Il dit si gentillement Douchenka que je suis amoureuse de ce mot. En me parlant il m'appelle Douchenka, et je l'appelle Imbécile. Je puis prendre ce ton avec lui, parce qu'il est gentilhomme, comme il faut et bien élevé. Il rit, il plaisante, moi aussi. Mais jamais ni un mot, ni un geste ne pourront me blesser [Ligne intercalée: Pas toujours, la preuve regardez dans mardi.] Je suis avec lui libre et calme, c'est un bon enfant, avec des idées sur le comme il faut, les convenances, altissime.
Où donc ai-je trouvé de pareilles conclusions ?
Il me fait rire pour voir ma fossette et il avança son doigt pour la montrer, alors je tapai sur sa main avec l'éventail. Le petit comte est venu se mettre derrière. Je suis tranquille, je sais que Gericke ne me fait et ne fera jamais la cour, je me comporte donc avec lui tout naturellement. Alors vient le Hollandais, Papati etc., de Tanlay et encore, et encore et nous sommes encerclées. C'est si agréable !
On ne m'a pas laissée tranquille une seconde; on prétend que je valse admirablement, on m'a comparée à une tête grecque à cause de mon bandeau d'or, on m'a tant dit, et si j'étais plus bête on me tournerait la tête.
Paparigo etc. est comme il faut.
Nous descendons au café prendre des glaces et Gericke disparaît avec Paul. Ils mangeront leur chagrin ensemble, de Tanlay triomphe, Basilévitch est en blanc, et fait des yeux mourants.
De Tanlay nous accompagne puisqu'il accompagne Basilévitch.
Plus je vois les hommes, plus j'aime... le duc de Hamilton.