Bashkirtseff

Jeudi, 9 juillet 1874

Orig

# Jeudi, 9 juillet 1874

Même bal d'enfants que jeudi dernier. Le nom de la cousine du comte est Vancoslawska. Cette détestable personne était chez nous. Il y a des gens qui dégoûtent, et bien ceux-là me dégoûtent plus que je ne puis dire.

J'étais contente de retrouver Basilévitch qui me présenta M. le baron Charles Gericke de... un nom difficile, d'Herwynen, son ancien amoureux, et présent aussi. Seulement il joue l'indifférent le premier temps. Elle affecte un air mélancolique et rêveur, cela le charme. C'est un monsieur hollandais, de La Haye, son père est ministre là-bas. Fils unique, bonne famille, bien élevé, taille moyenne, cheveux châtains et bien, profil admirable, yeux gris et assez laids, ne porte qu'une moustache, vingt-cinq ans, s'habille bien. A des manières libres et enfantines, très gâté des dames. Beau et sympathique garçon.

Une petite pluie commence, nous allons à la source avec Basilévitch et Gericke. Je sors toujours au bras de ma mère.

Ce baron a des manières très étranges, Basilévitch le dit tout à fait enfant; en effet il ne lui coûte rien de prendre par la main, de toucher au chapeau, même Basilévitch dit qu'il touche les oreilles; elle prétend que [c'est] sans intentions comme un enfant. Enfant, enfant, c'est fort bien jusqu'à un certain point, plus loin c'est de la coquetterie; après le Pouhon nous allons à l'allée. Basilévitch nous quitte pour aller faire une visite; nous nous asseyons sous un arbre; [Rayé: Guerique] Gericke (je ne sais pas écrire son nom) nous donne des nouvelles de Boreel, de ce bon gros Boreel, mon ancienne passion, d'enfance. Il n'est pas encore marié, mais faisait la cour à une très jolie personne tout l'hiver à La Haye. Lui aussi, est d'excellente maison.

Cet enfant Gericke, m'a tout simplement dit que je ne devais pas porter mon large porte-bonheur, car j'ai les attaches [Rayé: voulait dire poignets] très jolies. Il a examiné toute ma personne, ma taille, mon pied (robe toile, chapeau Massa, bien ). (Maman ne veut pas me laisser tranquille, elle me bombarde et me pousse à bout ! !).

[Rayé: Le soir] A la musique du soir, maman à mon bras nous passons devant les chaises, Bébé (Gericke) s'approche et se promène avec nous dans l'allée jusqu'à ce que nous nous sommes assises avec Dina et les exécrables Polonais

Il y a ici un monsieur grand, fort, aux cheveux bruns, au teint blanc, aux yeux noirs, porte un chapeau mou bandit, comme portait Blackprince. Il a à son bras une dame âgée. Cet homme est tellement beau que la première fois que je le vis je me retournai involontairement, c'était quand je conduisais deux chevaux. Sa beauté frappe, il est impossible de ne pas le remarquer. Il est trop beau, beaucoup trop beau pour un homme, son vilain chapeau l'abîme. Il ne serait pas trop beau avec un autre chapeau. Il était assis sur un banc dans l'allée. Il est beau, mais pas mon genre.

J'ai dansé et valsé ce soir, avec Bébé qui danse comme Boreel et me le rappelle un peu, ce qui est laid en lui c'est qu'il a quelque chose de Kiselevsky.

Après chaque danse avec lui, le petit comte, que je déteste avec les autres Polonais, venait m'inviter. C'est un vilain jeune homme, laid, jaune, fade. Excepté ces deux j'ai dansé avec des Américains, avec Winslow et un autre.

Bébé m'a dit:

- Reculez votre chapeau en arrière.

- Mais pourquoi ?

- Un instant seulement, je vous en prie.

- Mais pourquoi ?

- Une minute.

Je reculai mon chapeau jaune de Paris.

- Oui, c'est bien, je vois que sans chapeau vous êtes infiniment mieux, portez-le en arrière, c'est plus joli, et il voulut le pousser. Le petit misérable, quelles manières !

Dina m'a effrayée, nous jouions au billard:

- Moussia, votre comte de Lambertye ! (une chose me frappe, c'est que ce nom écrit ressemble tout à fait à celui qui le porte).

- Où, ce n'est pas possible m'écriai-je à demi-voix, tout essoufflée. C'était une plaisanterie, et je me réjoussais déjà tant. Pourquoi ne vient-il pas à Spa ? Nous partons et Dina par bêtise ou exprès reste pour servir de paravent à Basilévitch et à Bébé. Je la pris de côté et lui dis:

- Dina, maintenant arrête, on ne peut faire autrement, mais une autre fois il ne faut pas faire cela, ce n'est pas convenable, ce n'est pas possible. Tu comprends très bien. Je sais que tu aimes de telles horreurs, mais ce n'est pas convenable. Maintenant arrête.

Je vis dans la rue un terre-neuve comme ceux de Blackprince. Maman, voilà le chien de Wittgenstein. Nous demandâmes le domestique.

- M. Haristoff dit-il. M. et Mme Haristoff viennent d'arriver d'Aix-la-Chapelle.