Bashkirtseff

Mercredi, 8 juillet 1874

Orig

# Mercredi, 8 juillet 1874

Nous jouons au croquet comme lundi seulement au lieu de maman joue une cousine du comte, détestable créature, méchante, mûre et faite de beurre.

Je me suis animée vers la fin, je jouais très bien (robe toile, fichu blanc, chapeau Massa, bien) mais encore un accident m'empêcha de gagner, Paul me tua ma pauvre bande sans chef... par mes bons conseils nous allions gagner lorsque le comte manqua le dernier coup et tout fut perdu.

Je me dépêche comme une enragée d'écrire, maman me tyrannise.

Le soir à la musique avec maman et le baron de Bauche, un monsieur qui à Monte-Carlo faisait force avances à maman avant de savoir qui elle était. A l'heure qu'il est il est très charmant et le seul monsieur d'ici.

Il nous paya les chaises, donna des roses, causa, enfin se conduisit comme un monsieur, et pas comme les faquins d'ici. Basilévitch se promenait avec son mari.

J'ai fait semblant de bouder le Polonais, mais il m'ennuie. Pardon lui fut accordé vers le soir. La mère vient s'asseoir près de nous, la cousine avec son père, Basilévitch, le comte, Paul, Walitsky, de Bauche et nous formions un cercle joli à la promenade.

J'ai dansé ce soir. On m'a présenté deux Américains. Row fut si gentille que je l'embrassai sur la joue; elle m'invita et nous dansâmes ensemble. Quelle charmante enfant, facile, simple et gaie. Elle m'a dit : Oh you dear little thing.

Il n'y a pas un homme et je m'ennuie sans hommes.

Macainne est non seulement blunt et danse comme un ours sur la corde, mais est accaparé par ses sœurs à l'impossible. Je prenais sa sœur pour sa femme.

Maman me presse !!!

Il y avait plusieurs jolies toilettes. Je voudrais continuer la connaissance de ces Américains, les Américains sont très bien avec les demoiselles. Je dirai à Paul de les amener.

Le soir en rentrant, moi, maman, Dina, Walitsky, Paul, Basilévitch, le comte, tous ensemble, rencontrons de Neufarge qui est encore le meilleur ici, pas pour moi, non, et puis il a une réputation... je me doute vaguement quelle réputation.

Il est abominable mais avec tout cela le plus propre. Maman a été aimable avec lui, j'en suis bien aise.

Nous restâmes quelque temps au milieu de la place, puis Basilévitch rentra, suivie de de Neufarge mais profitant de que nous nous arrêtâmes encore sur le perron, elle retourna cette fois au bras de ce monsieur, nous dire d'un ton que je prends quelquefois: Eh bien qu'est-ce qui arrive ?

Maman me torture pour que j'aille dormir.

Ils retournèrent et se dirent bonsoir, pendant trois minutes, je guettais la montre à la main la sortie de de Neufarge de derrière le coin de la place.

Macainne nous a parlé, nous jouions aux dominos. Il était même passablement courtois cet ours, blunt l'expression est bonne. C'est un officier anglais, c'est pour cela.

Nous l'avons admiré à dîner aujourd'hui.

Ce misérable Anglais me taquine, il est froid et impassible, j'ai une folle idée ! C'est qu'il devienne amoureux de moi, et alors je le prierai de danser le galop comme Mercure dans Orphée à Paris, dans l'Orphée réformé. - Je mourrai de rire.

J'ai tant de bêtises à dire, tant de choses qui me passent par la tête qui sont d'une originalité et d'un grotesque sublimes. Je ne puis rien écrire, maman me presse.

Je m'ennuie.