Vendredi, 3 juillet 1874
# Vendredi, 3 juillet 1874
Il fait chaud, je n'ai rien à mettre, je reste à la maison et admire mes bras et mes boucles d'or. Très amusante occupation et presque ma favorite.
On vient me dire qu'un monsieur demande à me parler, je demande sa carte, c'est M. Gambart, je descends au salon, il vient demander des nouvelles de maman. Elle était très malade hier au soir et le docteur Lezask était appelé. Gambart était légèrement ému en apprenant la maladie, je me trompe rarement, même quand je voudrais tant me tromper, eh bien ma mère a remporté une victoire. Ce M. Gambart est non amoureux, un homme comme lui et à son âge n'est pas amoureux, mais ma mère lui plaît. Chez lui il donnait le bras toujours à elle, il lui faisait la cour autant qu'un marchand de tableaux retiré, riche et copiant la rigidité anglaise, peut le faire.
Je courus en haut, j'avais la figure animée et souriante sournoisement: en un instant je me rembrunis, je devins sérieuse, sévère. Après tout, pensai-je, qu'elle l'épouse, je prendrai une indemnité et je ne la verrai jamais.
C'est ce que je dis plusieurs fois pour rire devant tout le monde.
Le soir la musique était déjà finie lorsque je vins. Le comte me dégoûtait au Casino, je m'ennuyais, Basilévitch aussi. Nous rentrâmes de bonne heure pendant qu'on dansait.
Le puppy me dit plusieurs fois que je n'étais pas sortie ce matin, que c'était un chagrin pour plusieurs personnes, je l'envoyais danser, il assurait qu'il ne pouvait mieux s'amuser que là où il était etc. etc.
Oh ! misère des misères.
Duc de Hamilton je t'aime, je n'ai que toi, je t'aime !
Voilà une invocation comme autrefois, tant pis, je me contenais depuis trop longtemps. Tous les soirs voyant se lever la lune sur le ciel pur, à travers les arbres frais et touffus, tous les soirs je me croyais à Bade en respirant cet air de l'été du Nord. Tous les soirs je pensais combien je l'aime !
Ma foi tant pis, si dans un an je deviens trop sage et je veux m'effacer, je proteste, car je pense ce que j'écris.
Après tout (calmement) il n'y a rien d'autre à faire, aimons-le donc.