Bashkirtseff

Samedi, 4 juillet 1874

Orig

# Samedi, 4 juillet 1874

J'étais avec Basilévitch chez la marquise, on travaillait chez elle à faire passer le gaz. Lorsque nous sommes venues à l'allée tout était fini. L'Anglais fit un grand détour pour ne pas nous rencontrer. Basilévitch a perdu de tous les côtés.

Nous passons chez nous, non plus à l'hôtel de l'Europe mais dans l'appartement où nous avons déménagé depuis ce matin.

Vis-à-vis le Pouhon, la plus jolie maison aux volets verts, cinq fenêtres de façade, balcon au premier.

Il y a eu du mécontentement comme toujours. Maman garde le lit.

Nous dinâmes à l'hôtel de l'Europe, puis j'ai écrit, puis je m'habillai pour le bal de ce soir. Robe rose, cheveux bas pas bien, bottines et gants noirs, porte-bonheurs, nous entrons: Basilévitch en grande toilette, moi, Eristoff, Paul. Personne ne dansait, cinq danses avaient été jouées sans résultat, nous commençâmes, le malheureux reste suivit. Il n'y a même pas, Macainne, pas le Polonais, pas de Neufarge. Basilévitch me laissa avec Eristoff et alla causer avec deux dames russes dont elle a récemment fait la connaissance. J'ai trouvé qu'elle n'aurait pas dû me quitter. Eristoff trouva la même chose.

Le comte arriva, assez froid mais vers la fin se réchauffa. Je l'ai regardé dans les yeux.

J'ai dansé, mais à une heure j'appelle Basilévitch, elle voulait rester, alors je pars avec Eristoff, Basilévitch nous suit, Paul, Body et toute la salle dans un instant. Il y avait encore quatre danses.

Le petit Polonais osa me tendre la main, quelle hardiesse. Je me suis ennuyée, je n'irai plus; c'est ennuyeux et bête.

Il y avait un monsieur l'air comme il faut, blond à grande barbe touffue et blonde, imperceptiblement rougeâtre, il se mit dans un coin, tourna le dos à tous et ainsi demeura toute la soirée.

L'Anglais arriva en jaquette, n'entra ni dans le billard ni dans la salle de danse, mais resta dans le salon du milieu. Je l'ai presque salué, il a fait semblant de ne pas voir. Je ne sais comment faire, chez eux c'est la femme qui salue, chez nous c'est l'homme.

Je me préparai pour ce bal d'un air vainqueur. Je voulais flirt avec Macainne, avec le comte. Paul me compara, à dîner, lorsque après m'être tu pendant quelque temps je dis que j'irai et danserai, il me compara donc à la suite de ces paroles à Mme Henriette, qui ramenait une demi-douzaine de fous et deux aliénés. Car le comte, disait-il, deviendra fou. Il a dit cela assez drôlement.

Au Casino je disais:

- Vous êtes fou, comme Miss Branko.

- "Je ne puis devenir fou, je le suis déjà", - puis comme pour se corriger:

- Je suis fou: né, je suis né fou.

[Coin inférieur de la page déchiré et enlevé par Marie, qui poursuit son journal au verso:]

IDEES : Assembler une société pour prendre des bains en costumes comme à Trouville, dans le lac du Bois de Boulogne. Cela me paraît adorable !

- Faire une agence de paris (comme Oller), vendre soi-même les billets avec des dames et le 0/10 que Oller prend pour lui, donner aux pauvres; je me suis mal expliquée, mais je comprends.