Mercredi, 29 avril 1874
# Mercredi, 29 avril 1874
Biasini était ici, il y eut à la suite des débats furieux et des scènes déchirantes, dans lesquelles j'avais mon rôle.
On avait donné une cigarette à ce paysan, dans notre salon, devant moi I Cela me fit pleurer et exaspérée, je me retirai chez moi.
Mais l'événement de la journée c'est certes la disparition de mille deux cents roubles de la cassette de papa. Ce n'est pas l'argent qui cause le trouble mais c'est le chagrin de devoir accuser Trifon, dont le père nous servit quarante ans et lui-même Trifon est ★en calèche* depuis qu'il sait marcher.
On ne préviendra pas la justice car si même c'est ce pauvre garçon qui a volé (quel mot terrible I) on lui pardonnera, car la justice si injuste parfois le poursuivrait, c'est ce que nous ne voulons pas.
Trifon lui-même est très excité; je ne sais quoi penser en vérité.
Cela ne m'empêche pas de sortir (chapeau noir, jaquette bien).
Toutes les fois que le prince de Wittgenstein monte à cheval nous le voyons rentrer chez lui vers six heures, galopant. Je vis son dos seulement, il a un cheval de même forme que l'autre, autant que je pus voir, mais gris. Pourquoi les modes sont-elles changées ?
Combien d'hommes seraient superbes avec des costumes d autrefois qui ne sont que bien avec les habits de maintenant. Je lis tout ce que je trouve des siècles des Louis XIV et XV et je m exalte d une façon incroyable. Je me transporte et je trouve tout ce qui m entoure et même ce qui ne m'entoure pas vil et mesquin.
J ai rougi en prévenant que je rougirai. Ce qui fit dire à la princesse quelques mots stupides qui ne me firent pas même sourire. En tout cas j'étais divertie de voir le prince et je rentrai après avoir acheté du lait, de la crème, du beurre, du fromage, des fraises et un concombre frais. Je ne mange qu'en petite quantité de toutes ces choses excepté le lait, que j'ai bu au lieu de l'eau et du vin, je rentrai avec une disposition d'esprit fort agréable, je crois que le prince eut sa part comme le chant des grenouilles, l'air frais et l'odeur de l'herbe, à me rendre rêveuse et fantastique, il y a de cela quelques jours.
J'ai vu aujourd'hui son dos, c'est la partie que j'aime le mieux en lui. Il tient la face et les yeux baissés. Sur ce cheval il paraît énorme.