Lundi, 13 avril 1874
# Lundi, 13 avril 1874
Mme Anitchkoff a prié de prendre sa fille Marie à l'église pour communier. Je viens la chercher, j'appelai la bonne, vite un peigne, des rubans, à bas le vilain jupon de tarlatane, je la coiffe, je l'habille autant que je peux avec ses sales vêtements et je la prends avec un air plus chrétien. Je suis seule avec cette enfant. Le Bec que je trouve très gentille, est tout près de nous.
Je ne voudrais pas qu'on prenne ces enfants pour les enfants de ma mère. Mme Anitchkoff a le bon esprit de venir et par cela faire voir qu'elle est la seule mère de ces sales enfants.
Je me chagrine beaucoup parce que maman etc. vont tous les jours à des ventes de vieilles guenilles et qu'ils salissent ma jolie maison. Dès demain je vais tâcher de l'empêcher. Ma maison est ravissante et si on la remplit par toutes sortes d'horreurs cela sera dommage.
Je vais me promener à pied avec papa (robe bleue, cheveux bas, dorés, bien), cette coiffure fait ressortir tous mes cheveux dorés qui sont encore plus dorés sur la robe bleue. Deux fois toute la Promenade. Quelle affreuse sensation quand on s imagine to be laughed at. J'ai cette malheureuse idée, qui me rend misérable et malheureuse.
Est-ce vrai, ou je l'imagine seulement ? Mon Dieu que je suis tourmentée, je perds l'envie de sortir, j'ai peur de regarder les gens, je perds toute assurance.
Pourquoi me regarde-t-on ? Pourquoi ? Pourquoi ? Ah !
(une gamme chromatique).
Papa me raconte des histoires de sa jeunesse, hélas ! me raconte et décrit les régiments, etc. etc. son thème favori.
Rosalie nous passe avec une compagne comme les plus ordinaires et un petit chien qui lui ressemble. Toutes les fois que je la vois je m'étonne comment on peut aimer une vieille et laide chienne comme elle. Qu'il est bête ce prince ! J'aurais pris Gioia qui est si belle, et même une autre, il y en a tant. Mais celle-là quelle laideur ! Elle aussi me regarde et j'ai senti qu'elle s'est tournée. Après une heure et demie de marche on vient nous chercher.
Le concours régional d'agriculture a commencé le 10 avril, sur la place d'Armes. Ils l'ont très gentillement arrangé, ces Niçois.
Après dîner papa raconte les grandeurs passées de ★Tcherniakovka*', pourquoi ce n'est plus ? Comme je l'aimerais.
Maman et ma tante ont fait une multitude de visites. ★Mes prédictions* de chaque instant me rendaient gênée et misérable; je les ai défendues sous peine d'amende. Et je suis tranquille.