Bashkirtseff

Mardi, 31 mars 1874

Orig

# Mardi, 31 mars 1874

Je ne sors qu'à cinq heures, il fait heureusement frais. Nous allons à la villa, à la Promenade. Lewin allait à pied et salua, je ne sais pas à quoi je pensais mais le premier moment il m'a semblé que c'était Wittgenstein qui m'a saluée et je demeurai stupéfaite.

Je vais avec maman, ma tante et Dina au magasin des cristaux de Bohême où on achète quelques bêtises inutiles. M. Apletcheïeff vient saluer maman près de la voiture.

Malgré tout j'étais presque sûre que ce cheval est à lui et en effet. Voilà encore un nom qui me le rappelle et qui me le fait admirer.

X Loin des yeux, loin du cœur; il y a des moments ou le duc de Hamilton n'est qu'un souvenir. Il ne devrait pas être autre chose depuis son mariage.

L'aimer maintenant est un péché. Aussitôt que j'écris ce que je viens d'écrire depuis X je sens tout le contraire et je sens qu'il est le seul homme que je puis aimer tout à fait; pas par bonté, ou par indulgence, mais parce que je l'aime.

Il est le seul que je pourrais embrasser... avec plaisir.

Il est le seul qui me plaît tout à fait, chez lequel je ne trouve rien à redire.

J'ai tort de tant le louer, cela affaiblit ce que je sens.

Que n'aurai-je donné pour le voir... si en ce moment il entrait ici.

On sait que j'adore la nuit, je reviens de l'étude; j'avais ouvert la fenêtre, le ciel était mat, les nuages couvraient la lune, je commence à chanter et je m'aperçois qu'il y a un écho admirable. J'appelai Joséphine qui en était hébétée, enfin croyant que c'était une personne qui chantait j'appelai : Bijou, Bijou, puis Bête. Stupide. Et l'écho a parfaitement répété tout. J'en suis toute émerveillée et ravie.