Bashkirtseff

Vendredi, 27 mars 1874

Orig

# Vendredi, 27 mars 1874

Je viens de jouer et de gagner quinze francs, c'est une petite vengeance pour toutes les misères de Paul.

Nous avions beaucoup de monde et il m'est arrivé une aventure assez désagréable, il n'y avait encore personne et j'étudiais tranquillement une sonate en jupons et sans corsage lorsque M. Barnola entra, je me suis lancée sous le piano, maman le fit sortir dans l'atrium et je me suis sauvée. Arrivée chez moi j'ai ri et parlé toute seule.

Mania est une charmante fille, elle nous raconte toute l'histoire de mariage de sa sœur, comment Potemkine est devenu amoureux, comment il faisait la cour, comme il pleurait etc. etc. etc. etc. etc. etc. etc. puis enfin un jour il déjeunait chez eux, des visites survinrent, Monsieur et Madame allèrent au salon et Mania sa sœur et le amorato restèrent seuls. Alors près d'une fenêtre, absolument près d'une fenêtre il s'expliqua et baisa la main de Katia (ça doit être bien) qui devient rouge en ce moment. Mme Potemkine entra et demanda ce qu'elle avait.

Je suis malade, et elle s'en alla chez elle.

A quatre heures je sors et nous voyageons à pied dans toute la ville de Nice cherchant des boutons comme ceux de Francine; j'ai acheté l'étoffe et la robe verte se fera, (ce soir c'est l'oreille gauche qui brûle), nous ne rentrons qu'à sept heures. Pas moyen de trouver ces boutons et ils sont pourtant les plus simples du monde.

Demain j'espère aller à Monaco. Ce serait un petit changement, Nice est si ennuyeuse, depuis qu'il y a personne.

Les Leech et les Spang ne vont plus dans leur [illisible] je crois même que la Leech n'est plus ici et je crois aussi que le comte de Lareld fait sérieusement la cour à la Spang.