Bashkirtseff

Vendredi, 20 mars 1874

Orig

# Vendredi, 20 mars 1874

Pourquoi ai-je fait tant d'explications sur mon penchant pour le duc de Hamilton, pourquoi ai-je dit que c'est ou que ce n'est pas parce qu'il est duc etc. Ne valait-il pas mieux dire simplement: je l'aime. Et qui oserait ne pas le croire ?

La réception commença par la visite de la gracieuse princesse Souvoroff, elle a montré beaucoup d'amitié à maman tout l'hiver à Monte-Carlo et finit par faire une visite. Elle laissa son portrait et força maman de lui donner parole de venir chez elle à Paris, elle vient d'acheter une maison. Elle reprocha pourquoi maman ne l'a pas invitée à voir notre villa. En un mot c'est la femme la plus aimable et la plus charmante.

Aujourd'hui il y avait particulièrement beaucoup [de monde] de sorte que j'espère que bientôt tout ira bien

Ce matin j'ai monté à cheval avec Paul. Black Prince, ce pauvre cheval est très tranquille, adroit, on l'a monté au Luxembourg. J'ai monté trop tard, de onze à une heure, le moment où le soleil brûle le plus et j'ai la face toute brûlée; ça ne passera pas bientôt. Mlle Collignon est restée encore pour quelque temps chez Lefèvre, aujourd'hui depuis le matin elle est chez nous. Je suis charmante pour elle, je la mène à la villa que je lui fais visiter. A force de faire visiter cette villa à toutes nos connaisances, je suis devenue comme ces guides qui montrent les curiosités aux étrangers en Suisse, je sais par cœur ce que je vais dire.

A cheval avec Paul je suis montée sur toutes les terrasses et dans l'allée des cyprès et partout. Je voulus plusieurs fois rencontrer Emile, ce cher Emile qui copie tant le duc mais je l'ai rencontré une seule fois et quand je n'y pensais pas du tout.

Pauvre petit, il pense qu'il est devenu et gros et roux et tout à fait Hamilton. La voiture, les chevaux, la pose, les moindres mouvements, tout vient de ce sublime modèle et ça ne fait pas mal en vérité. Même cette pose du duc en voiture quand il se baisse regardant ses mains, je ne sais pas bien expliquer, mais je comprends, même cette pose est copiée. Il a raison, il a pris un modèle parfait et à force de l'imiter il deviendra quelque chose. Même il va chez la Gioia à la même heure qu'allait le duc et il passe à pied près du jardin public devant les hôtels.

Walitsky a voulu lancer quelques mots à Collignon de Lambertye et je me souviens, dit-elle, c'est ce petit vilain.