Jeudi, 19 mars 1874
# Jeudi, 19 mars 1874
La saison des vents est commencée. C'est triste.
Simone m'ennuie plus que tout, elle me fait tellement attendre. Nous sortons cependant maintenant toujours à quatre heures. La musique et le monde sont finis quand nous arrivons, je n'ai pas grand intérêt d'ailleurs à écouter cette belle musique, quant au monde je l'ai oublié. La duchesse de Mouchy se promenait en landau avec l'Obélisque plus belle que jamais, on voit bien qu'elle se marie. Elle dit quelque chose à la duchesse tout en me regardant et souriant un peu comme si elle disait: Voilà cette enfant, n'est-ce pas qu'elle est gentille. Je crois que je dois cela à Fedus qui me trouve lui aussi une gentille enfant. Il me regarde comme maman regardait Clémentine Durand. Voilà l'explication du problème.
De la part d'un homme ça va peu, mais...
Depuis quelques jours on ne le voit plus. J'ai été tellement contrariée de cela que tous ont pensé qu'il me regardait. Maman, ma tante, même Walitsky et Pavloucha. Du fait que j'étais tellement contrariée aujourd'hui, j'ai perdu mais je n'ai pas été contrariée à cause de l'argent mais par le fait que tous ont pensé que je ne perdais jamais, que j'ai toujours gagné. Ceci cependant n'est pas une comparaison juste, mais je comprends ce que je veux dire: il y a des moments.
Quand il me semble un peu que Fedus me plaît un peu, mais bien entendu très peu et du fait qu'ici il n'y a presque personne, il est tout de même mieux qu'Emile d'Audiffret et je ne peux vivre sans quelque imaginaire bêtise. Seulement pour avoir un but de promenade. Hamilton me plaît tellement qu'il n'y a personne au monde qui puisse me plaire autant, et tout ceci ne sont que des plaisanteries, des bêtises. Il me semble si peu que Fedus me plaît que cela semble ridicule. Même mentionner une bête aussi insignifiante est déjà trop fort. Et je le regarde toujours plus que beaucoup d'hommes, plus que le vieux Galve par exemple, mais pas du tout comme un homme.
Hier soir j'ai pensé que dans le journal d'hier j'ai trop fortement exprimé mon dépit, mais aujourd'hui j'ai changé d'avis parce que je suis dépitée. Vraiment je ne devrais pas me laisser aller à de telles bêtises, parce que à un moment je suis dépitée, mais à un autre moment pas du tout, mais afin d' avoir un journal qui retrace [Rayé: soit un portrait fidèle de] fidèlement toutes mes moindres pensées [Rayé: à cette époque.], je me souviens de tout. Ce me serait une grande peine si on interprétait autrement ma pensée et si on pensait que mon intention en faisant cette explication est de cacher quelque chose.
Comme Paul est un mauvais garnement, il ne sait que théâtre, actrices, banquets, surtout quand je pense qu'en arrivant ici il parlait de l'éducation des enfants et que j'espérais en faire quelque chose.
Le soir Dina m'a lu trois chapitres du livre vert, pour cinq francs car j'ai juré de ne point lire dedans moi-même. A la fin nous avons re-re-reparlé du pari, je lui proposais encore mille francs pour que, lorsqu'en entendant son discours Fedus ouvrira la bouche d'étonnement, ou pour répondre, elle lui jette une cerise confite dans la bouche.
Je suis seule, j'écris mais je ris encore en m'imaginant sa figure lorsqu'il reçoit le bonbon. Mais elle refuse le bonbon, bien qu'elle consente à l'ancien pari. Tout ça n'est qu'une grande bêtise que Dina ne fera jamais, et je suis bien folle de perdre mon temps à en parler. Mais puisque ça nous amuse !
Ce cara gioia de Lambertye prend une trop belle femme pour lui ? Je crains qu'on ne le...