Bashkirtseff

Dimanche, 15 mars 1874

Orig

# Dimanche, 15 mars 1874

A l'église (robe bleue, bien) je ne peux pas souffrir mon chapeau marron, il y a longtemps que je ne le mets plus, le noir commence aussi à m'ennuyer. Je m'étonne comment ai-je pu porter une caricature comme le marron.

Je pensais voir le baron à l'église, et en effet je l'ai vu mais il n'est venu que pour demander à maman si les billets du carnaval sont payés, je m'attendais à plus.

On raconte tout un roman de lui et du Bec amoureux, qui serait amoureux du baron et le baron d'elle, mais la maman et tout l'aréopage ne veulent pas de lui. Que le Bec est fort malheureux et qu'il fit une maladie à cause de cela. La maman et le Bec étaient à l'église, pauvre Woerman aussi. Les pauvres âmes !

Je vais prendre mes violettes et nous rentrons.

Je vais à pied avec Machenka, Stiopa et Walitsky, je suis très contente d'aller à pied, j'en ai l'occasion une fois par mois et pas même. Nous allons tous les quatre à la Promenade, mais Stiopa reste sur un banc et nous continuons. Qu'ont donc mes tonton et tantine de baptême, ils stared me et se retournèrent pour me regarder. Qu'est-ce qu'ils ont ces Allemands stupides; est-ce qu'ils m'en veulent encore pour le chapeau du petit Charles ? Quant à lui, au contraire, il se détourne toujours comme s'il avait peur de moi. Nous marchons jusqu'au 55 mais nous avons passé plusieurs fois par le Détroit qui possède quelques belles mouches parmi les vulgaires. Maman, ma tante et Dina viennent nous prendre, comme ça nous sommes cinq en voiture et Walitsky sixième sur le siège. Maman, ma tante et Walitsky restent à la gare et nous, nous allons chez Rumpelmayer. Tout à coup entre Lucie Durand avec deux de ses petites sœurs. Nous nous saluons et j'échange quelques paroles avec elle, mais je suis stupéfaite de ses manières. Je m'étonne comment on la souffre dans n'importe quel salon. Dina qui portait un gâteau vers sa bouche s'est arrêtée et sa main resta immobile tant que Lucie était dans la chambre, Dina avait les yeux fixés sur elle tant elle était étonnée, surprise et scandalisée par les manières de la jolie Espagnole. En effet elle est plus impermise [sic]. Dina rentre et je vais encore à la Promenade avec Machenka chercher papa que nous ne trouvons pas.

Tout le monde se marie cette année, en commençant par notre grande-duchesse Marie, puis le duc de Hamilton, et même à Nice où on ne se marie pas, la fille du préfet s'est mariée. Warrodel s'est marié, Potemkine s'est marié, l'aînée Mlle Sabatier se marie avec un M. Bernisse et enfin ô prodige ! qu'on devine qui se marie. Eh bien c'est un homme qu'on croyait inmariable, c'est... c'est... c'est John de Lewin. Est-ce assez étonnant, surprenant et incroyable ! Il épouse Mlle Sabatier la cadette, qui lui apporte deux millions de dot. Ce n'est qu'un on dit d'ailleurs. J'oublie un grand mariage, le grand-duc Nicolas, fils de Constantin, épouse Mlle Skobeleff sœur de la princesse Belocelsky.

En rentrant par la ruelle j'y rencontre Conquista, Lambertye et un troisième que je pus reconnaître. Notre voiture les pressa près du mur.

Ils sortaient de chez la duchesse de Mouchy. L'Obélisque est Fulchra, tandis que le comte est Fedus.

Paul a été très impoli et étrange à dîner. Il a fait venir de Paris des concombres frais, dont il a promis de me vendre deux. Maintenant il refuse de vendre, en offre à tout le monde excepté moi et se montre fâché lorsque Bête m'offre sa portion. J'ai trouvé cela d'une impolitesse et d'un grotesque surprenants.