Jeudi, 12 mars 1874
# Jeudi, 12 mars 1874
Hier j'ai déjeuné au London House avec ma tante; en sortant le baron nous passa en voiture et leva son chapeau tout à fait haut. S'il avait voulu il aurait pu ne pas nous voir, c'était très loin.
La Collignon est je crois partie, je sais seulement qu'il y eut d'assez grandes tracasseries à son sujet à la maison.
Le soir du mardi elle me fit ses adieux et je lui donnai un médaillon.
Il fait froid aujourd'hui, j'ai mis le mouchoir blanc, moi qui ne met jamais rien. L'astre qui donne etc. paraît à peine, comme en Russie pendant l'hiver. Le froid me pinçait les joues et les oreilles, j'aime tant cela ! Le froid me ranime, me rend contente de moi et des autres. Deux fois je n'ai pas salué Lewin et j'avais tort, car le soir nous apprîmes que ce bal était organisé par douze personnes, chacun donna mille cinq cents francs et il devait y avoir un souper assis, le tout pour deux cents personnes seulement et pas plus.
Lewin ne pouvait dire autre chose que la vérité. C'est que la liste des invitations était close depuis trois jours.
Il a sans doute été chez nous et nous n'en savions rien, car ce n'est qu'aujourd'hui que ma tante a découvert une carte de M. Hartung. Dieu faites que le temps passe plus vite, que nous soyons déjà chez nous, bien installés et vivant comme j'aime ! Maman est malade, Dina aussi, Paul aussi, c'est très ennuyeux.
Je crois que Mlle de Galve, M. Zveguinzoff et le prince à cheval, firent le tour de toute la ville, car je les ai rencontrés à la rue Saint-François et même dans notre ruelle. Le prince se tourna et comme je me tournai aussi pour regarder la Galve, cela mit mal à l'aise.
Le petit comte regarde comme d'habitude et je ne sais pas si je dois me fâcher ou rire. Il y a tant de discussons pour les cyprès de notre villa, mon avis c'est qu'on doit les couper; ils ne sont pas beaux et réguliers, mais crépus et donnent un air lugubre à toute la propriété.
J'ai tant enjoyed ma promenade, il fait si frais, si bon.
Nous étions plusieurs fois chez Simone, elle essayera ma robe grise demain, enfin ! Nous pensons monter à cheval en-

monté; mon corsage n'est pas encore fait. Je suis gaie aujourd'hui.
Ce qui est infâme c'est que je rougis quand on dit "Brunet", je me serais assassinée, tant j'en rage !
Dieu tout-puissant, faites que je ne rougisse plus pour ce domestique et c'est parce que maman a eu l'air de prononcer son nom d'une certaine façon... Mon Dieu c'est affreux !