Jeudi, 5 mars 1874
# Jeudi, 5 mars 1874
Hier soir j'ai mis un miroir sous mon oreiller, pour savoir ce qu'apportera notre villa. Voici mon rêve:
Nous entrons chez Manby demander je ne sais quel drap, mais peu à peu le magasin s'obscurcit, on ferme les persiennes; je demande pourquoi, mais je n'écoute pas la réponse, je m'oublie [Rayé: Lorsque je reviens à moi] et je sais que le magasin s'élève; nous ne pouvons rien voir, tout est fermé, il n'y a pas la moindre secousse mais je sais que nous nous élevons. Tout à coup nous voilà arrêtés, il fait très clair et on ne voit plus la terre tant nous en sommes loin (haut). Je vois deux escaliers sur lesquels je rencontre les deux petits Bravura, Mlle de Galve, Mme Zveguinzoff. Je m'étonne de les voir ici; comment pouvaient-ils y arriver et ils semblaient trouver très naturel de se trouver sur ces escaliers et semblaient venir d'encore plus haut. Je pris Mme Zveguinzoff par la main et je lui dis combien j'étais contente de la rencontrer, et que bien que je ne la connaisse pas, elle [Rayé: me semble] m'est plus chère qu'une connaissance, puisque je la retrouve si haut dans les airs où je me croyais seule, et que je la voyais souvent à la promenade des Anglais. Elle accueille ces sentiments assez froidement et semble ne pas comprendre pourquoi je suis étonnée de la voir ici, comme si les choses sont comme elles doivent être et c'est moi qui a imaginé tout cela. Par les fenêtres on ne voit que l'air de tous les côtés.
Et alors depuis ce moment je ne me souviens plus de rien, là finit mon rêve fantastique et étrange.
[En travers: Rêve significatif et de bon augure.]
A deux heures je vais à pied avec Machenka (robe brune, chapeau noir, coiffure plus sur la nuque et deux petits peignes à boules, un de chaque côté, bien). Arrivées là, Machenka est fatiguée, elle reste au jardin et moi je monte et je me promène dans les chambres, il y a un écho superbe, je chante à gorge déployée. Je fais mille plans, sur l'aile, les embellissements.
Alors je vois arriver tout notre monde, je prends le bras de papa et je lui fais tout visiter. Les Anitchkoff critiquent tout d'une manière inconvenante, voilà des sauvages ! Mme Koulichoff vient aussi.
Enfin tout le temps nous visitons. Je suis très fatiguée, j'omets les détails, j'ai mal à la tête.
A quatre heures et demie nous partons. Aujourd'hui il y a plus de monde que d'habitude à la musique. Et je vois celui qui n'a pas paru pendant tant de temps, le comte de Lambertye, avec le duc de Mouchy, tous les trois se retournèrent.
Je conduis maman et ma tante à la gare et je vais avec papa à 55 chercher Stiopa et Machenka, mais nous ne les trouvons pas.
A la Promenade, je vois encore un personnage intéressant, Wittgenstein avec le prince Dolgorouky. Je laisse papa à la maison et je vais dire au peu de personnes que nous connaissons de venir demain à deux heures assister au baptême de notre villa, par le père Levitsky. Je trouve les Potemkine chez eux, les jeunes époux déchiffraient une valse à quatre mains. Je reste quelques minutes chez eux.
J'écris à Hélène, à Mme Teplakoff et aux Filimonoff. J'ai commandé des koulibiaks etc.
Je voudrais bien commencer dans la nouvelle maison.
Maman est revenue de Monaco, je vais chez elle et un petit conseil de famille a lieu.