Bashkirtseff

Mercredi, 4 février 1874

Orig

# Mercredi, 4 février 1874

Depuis deux jours la pauvre Nadia est malade et la prin-

cesse ne vient pas.

J'ai prié maman de rester, nous allons porter à Simone mon pauvre corsage bleu qui n'est pas encore arrangé, Gouin n'y a rien fait.

Nous allons chez Mme Howard, je reste dans l'étude avec les enfants. C'est une espèce d'entrevue sérieuse, il y a longtemps que je n'étais chez eux et eux chez moi. Lise, cette nature ouverte, franche, aimante m'a sauté au cou. Hélène est au salon, elle descend pour me faire monter (robe bleue, chapeau bleu, bien). Il y avait quelques personnes que je ne connais pas. Un monsieur m'a demandé ce qu'est devenu le grand chien qui me suivait toujours, il l'avait remarqué encore à Paris. Lucarini le connaît aussi, Prater. Je ne savais pas que Prater fut si connu, on l'admire. J'étais très gentille, j'ai des manières unies, simples à côté d'Hélène. Je redescends encore; le comte Markoff et le prince Gagarine et M. Tormosoff ouvrent la porte.

Et nous, nous pouvons ?

- Voyez je suis tout petit, dit Gagarine se baissant, le comte a marché sur les échasses de Jonnie, en partant les mains se croisèrent plusieurs fois, signe d'un mariage. Je soupçonne Markoff et Hélène. Hélène n'est plus aussi tendre, cela veut dire qu'un autre sentiment que l'amitié... que... enfin c'est égal.

Je rencontre M. Filimonoff au moment où il sortait, il me répète encore une fois que nous ne devons pas oublier de venir habiller la fiancée à deux heures précises mercredi. Il est charmant.

Paul mettra les souliers à la fiancée comme elle n'a pas de frère.

Voilà une semaine ! Ce soir Logé, demain Nagornoff. Samedi: "Hernani" par la Vigier. Mardi une comédie chez les Howard (je pensais qu'on ne nous inviterait pas) et mercredi le mariage de Mlle Filimonoff. Ouf !

J'étais au magasin oriental pensant y trouver un manteau de cachemire bleu, pour le soir, mais hélas ! Maman a retardé pour le train de cinq, elle va à sept heures.

Je ne vais pas chez Logé. Je vais donner un dernier coup de pinceau aux toilettes de Machenka, de Dina et même de Paul. J'ai trouvé Machenka mal habillée, j'ai ouvert son corsage en cœur, j'ai mis un fichu de Chantilly, une broche, un médaillon, une fleur assortie à la robe mauve, un nœud et en dix minutes

elle était transformée avec la même robe. A Paul, il manquait un bouton à la chemise, j'attachai à la place une belle-de-jour et une feuille verte, très original.

J'ai reçu de Worth un échantillon très joli, que j'ai choisi du premier coup d'œil pour mon costume de voyage.

A dîner Paul a raconté que le fils de Gioia est chez Wash. On lui a demandé son nom, il répondit qu'il ne le savait pas. Papa a dit quelque chose de Hamilton, j'ai rougi comme il y a longtemps et j'ai senti les yeux de maman se porter sur ma figure, ce qui a augmenté et prolongé la rougeur. Non, je n'ai pas cessé de rougir !