Bashkirtseff

Mardi, 27 janvier 1874

Orig

# Mardi, 27 janvier 1874

Mes cheveux sont rebelles, ils s'échappent et se répandent en boucles malgré les épingles et les peignes. Trois quarts d'heure ont à peine suffi pour les placer. Je sors toute seule, n'ayant pas trouvé maman et Dina chez Simone, je vais les chercher à la Promenade qui est brillante; il y a musique militaire.

Je vois passer devant moi le grand Audiffret, Gioia (dans "Les décavés" on décrit un souper où elle dans la catchoutcha. La Wittgenstein se nomme Rosalie Léon), la Prodgers à cheval, Mmes Souvoroff et Galve et tout le monde. J'ai fait tourner avant N° 77 et auprès du jardin public je rencontre maman et Dina en fiacre.

Nous rencontrons Mme Fedoroff et avec elle un tour à la Promenade. Mme Fedoroff reste chez elle et nous allons à la maison prendre ma tante et Stiopa.

Nous arrivons à la gare en même temps que la Souvoroff et la Galve, ces deux m'ont regardée aujourd'hui, comme si elles me connaissaient.

De là je cours chez Simone voir l'étoffe de laquelle elle fera les vêtements aux Galve qui ont donné la jaquette grise pour modèle. C'est fait à Londres - Wolmershausen N° 49, Curzon street, May fair. W.- et non pas chez Manby. Alors je rentre pour prendre la leçon de latin avec cet exécrable professeur.

La pensée qui m'occupe le plus, c'est-à-dire la seule qui m'occupe à présent c'est quel chapeau succédera à celui que je porte et qui m'ennuie tant, ensuite quelle robe aurai-je maintenant. Ces deux questions m'envahissent et me dominent. Je brûle de quitter Nice pour Paris. Mais ce que je désire encore plus c'est d'aller en Angleterre, c'est là que je prendrai mes chapeaux.

Paul est malade depuis hier, une espèce de bronchite. Si par malheur quelqu'un lisait mon journal he would conceive the

meanest opinion of me.

Je parle trois pages d'un chapeau et je voue à peine deux lignes pour la maladie de mon frère. Mais qu'importe.

Ce soir, en écrivant, je l'ai vu comme un éclair, j'étais si heureuse que j'eus peur, j'ai secoué la tête et je passai la main sur le front. C'était bête.

Au Détroit des Mouches les Labanoff semblent cloués. Tous les jours et toujours on les voit avec l'escorte habituelle Lambertye, Woerman et un autre que je ne connais pas. La fille toujours ouvert le Bec amoureux qui d'une oreille à l'autre va.