Bashkirtseff

Dimanche, 25 janvier 1874

Orig

# Dimanche, 25 janvier 1874

Il était onze heures moins dix minutes lorsque je me lève, bien que assez tard nous allâmes tout de même à l'église, et de là chez Mme Teplakoff qui est encore malade. Nous passâmes chez Mortier et un peu à la Promenade, il n'y a pas de soleil mais l'air est doux; j'étais en train de raconter (robe brune, bien) à maman ce qu'on écrivait dans un journal de Mlle Choupinski lorsque je sentis les yeux de Lambertye s'arrêter sur moi avec ce demi-sourire, je me suis embrouillée, je ne trouvais pas les mots pour dire : Eh bien, tu vois j'ai rougi maintenant, quelle absurdité, dis-je en riant. Tout le monde a ri. C'est vraiment bête de rougir pour cet homme.

A une heure nous allons commander à Gouin la robe de bal pour Dina, puis chez la comtesse de Mouzay, cette pauvre femme garde le lit depuis quinze jours. On a reçu une dépêche de Dominica Pavlovna, elle prie le consul de dire à Georges que son fils est mourant. On n'en a rien dit ni à Dina ni à Georges. Dans le journal russe on a lu que l'élève du collège militaire Etienne Babanine âgé de quinze ans s'est fait trois blessures avec un poignard, dans la maison de sa mère. C'est affreux ! Dina n'en sait rien. Je descends de voiture avec maman pendant qu'on va chercher papa.

Nous rencontrons Abrial, qui comme ami, nous prévient que nous avons un ennemi en la personne de la princesse Galitzine, qu'elle ne pardonnera jamais les bienfaits dont on la comble et que plus vite elle partira mieux ça vaudra. Je suis parfaitement de son avis. Je monte en voiture, je redescends encore pour marcher avec les Howard, Tebbitt, Allen et Paul, nous passons par le jardin public, au milieu de la "vile multitude". C'était amusant, puis je remonte encore en voiture. Mlles Galve et Choupinski montent à cheval, cette dernière a un cheval ravissant, d'une gaieté charmante. Demain nous montons à cheval.

Le soir je me lave les cheveux, qui sèchent pendant que j'écris.