Jeudi, 22 janvier 1874
# Jeudi, 22 janvier 1874
Enfin ce jour est arrivé ! Ce jour que j'attendais tant et qui semblait n'arriver jamais. Cette fois nous allons, moi, maman, Dina et Paul, aussitôt arrivés, j'aperçois la voiture des Howard, je vais chez eux, M. de La Boissière me reconduit, ayant parlé pendant dix minutes avec eux je me suis aperçue que ce pauvre de La Boissière m'attendait, je m'empresse de le renvoyer en le remerciant.
Ils mangent à livre ouvert, M. Allen avec son fils, et Tebbitt sont à côté aussi en voiture. Nous formions un cercle assez gai, je monte avec Aggie sur le siège chez Tebbitt d'où je regarde la première course. Je parie avec Tebbitt deux francs que je gagne. Après cela je vais avec maman appuyée sur mon bras, avec sa belle robe grise, chapeau assorti, effet magnifique, (robe bleue, bottines grises, bien) et Paul, me promener devant les tribunes. Il y a tout le beau monde de l'autre jour, y ajouté la princesse Souvoroff, jupe velours marron, par-dessus une espèce d'énorme tablier en jais, toilette superbe, elle est plus belle que je ne le pensais, elle est magnifiquement superbe, sa fille, toilette gris perle et rose, toutes deux de Worth, traînes énormes. La comtesse de Galve gris de perle, en petite fille, Mlle de Galve, jupe faille rouge foncé, deux volants plissés, pardessus en laine même nuance, gentille, gracieuse et attrayante et sympathique comme toujours; mais et la comtesse et elle-même ont l'air assez misérable à côté des superbes allures de la princesse Souvoroff et sa fille, cette petite adore la chasse, les chevaux et les chiens, elle a raison. Centifolia divine, entre deux hommes, puis avec Rosalie. Une robe noire avec un peu de bleu, en cette étoffe qui vient de paraître que je ne sais pas nommer, et velours tout noir. Elle a de nouveau une superbe voiture, de superbes chevaux, des livrées et tout enfin.
Nous faisons plusieurs tours, regardant et regardés. Mes talons d'acier ont fait fureur, avant la dernière course nous retournons à la voiture des Howard prendre Dina (robe noire). M. Howard va avec maman, moi avec Dina. Maman et Dina ont de très longues traînes, en grandes toilettes enfin; tandis que j'avais la robe courte, celle que je porte toujours; j'étais très remarquée. Je ne sais pas pourquoi. (Mon Dieu ! je ne voudrais pas qu'on prenne ce je ne sais pourquoi pour une coquetterie !). C'est parce que réellement je suis regardée, ce n'est donc pas ma beauté qu'on regarde ! (d'ailleurs je n'ai pas de beauté !). Je déteste Lambertye ! Il me semble qu'il se moque de moi ! C'est affreux lorsqu'on pense qu'on se moque !
Les courses étaient très brillantes. Maman s'est amusée. Nous étions assises, M. Howard avec nous, près de la barrière, c'était ravissant de voir sauter tous ces chevaux, depuis Porchefontaine je ne les ai pas vus courir aussi près. C'est ébouriffant.
Mais au milieu de ces plaisirs j'étais tourmentée par la pensée que c'est le dernier jour et que c'est fini. J'attendais aujourd'hui impatiemment, et je suis récompensée. Et j'étais mieux parce que nous avions au moins les Howard.
En traversant la corde près des voitures Lambertye impediva il cammino, questi parea che contro me con la testa bassa, il s'est rangé je ne sais comment. Il avait l'air de se gêner devant ma mère, comme si nous étions de vieilles connaissances. Lucarini me salue et me parle aussi près de la corde. Tebbitt est un garçon très agréable: la Gioia était derrière nous au retour, nous approsiamo d'elle; lorsque maman a dit qu'elle peut aimer chacun, aujourd'hui Audiffret, demain son domestique, je voulais dire qu'elle agit en vraie chrétienne, mais maman se trouverait mal; j'en dis assez sans cela.
A la Promenade un monde fou.
Je me demande comment Wittgenstein peut aimer sa laideronne ? !! Je descends de voiture avec Paul pendant qu'on prend et ramène papa à la maison. Après cela encore un tour en voiture.
Maman a trop bien vu combien Lambertye m'a regardée, elle n'en dit pas mot et c'est une grande preuve. Je n'aime pas comme il regarde lorsqu'il n'est pas seul il semble se moquer, suis-je folle !!! Lui oser se moquer de moi !!!!!!!!!!!!!! Je suis une insensée de me faire des injures semblables !
Ma mère ne le suppose même pas, elle croit que tout le monde doit admirer et adorer sa fille chérie.
Voilà une journée heureuse écoulée ! je n'ai qu'à traverser