Mercredi, 21 janvier 1874
# Mercredi, 21 janvier 1874
Malgré toutes mes plaintes stupides et mes désespoirs de folle, c'est mon plus heureux temps, car j'ai l'espérance. Je ne suis encore rien, tout est dans mon avenir, tout est espoir par conséquent bonheur. Lorsqu'on a rien à désirer, lorsqu'on n'espère plus on doit être malheureux.
Voilà plusieurs jours déjà que je ne mène plus la même vie régulière cela a altéré mon teint.
Ce matin encore le réveil n'a pas sonné, je suis presque fâchée. Je vois maintenant pourquoi à Vienne je me sentais misérable, j'étais grise plutôt que pâle et j'étais toujours fatiguée. Je me couchais tard, et ce qui est encore plus mal je me levais tard. Il vaut mieux dormir trop peu que trop. Et tout mon voyage à Vienne était abîmé par cela (robe brune, pas mal).
Ermolaïeff vient pendant que je prends la leçon avec Manotte. Ce Ermolaïeff est comme il faut, c'est dommage qu'il n'ait aucune éducation et qu'il soit un peu simple.
Maman envoie Auguste me prier de venir à l'hôtel de la Paix. Chez Mme Antonsky il y a une espèce de répétition du concert que va donner M. Nagornoff. Il y a M. et Mme Warrodel, un ami de M. Lewin qui chante bien, et une dame russe avec une voix surprenante. Jamais je n'ai entendu un aussi beau contralto, ma voix n'est rien en comparaison. Je walk with Hitchcock at the straits of the Flies un considérable bataclan niçois, Audiffret à la tête, stationnait au milieu du détroit debout. Ces canailles ont osé beaucoup me regarder. Ce pauvre Audiffret copie tant le duc de Hamilton ! Il a pris toutes ses manières, ça se voit trop. En voiture c'est tout à fait sa pose, cet air majestueux et la tête tournée de côté pour éviter le soleil ou regarder les passants. Le malheureux ne pourra jamais imiter la figure du duc, hélas !
Aussitôt que je suis rentrée le comte Markoff vient, je ne sais pas comment ça s'est fait mais il monte, à peu près comme la visite d'adieu du pauvre Abramovitch. Je me sens un peu mal à mon aise, je crois que j'ai mal fait de le recevoir.
D'ailleurs il est charmant, un peu bête. Je me hâte toujours maintenant pour dédier plus de temps à la lecture de "La Vallière". En me promenant j'ai si bien vu le duc de Hamilton que j'en étais toute troublée. Oh si je pouvais le voir, même avec elle, pourvu que je le voie !
Si ça n'était pas trop bête et vieux; j'aurais dit que................
mais je l'ai tant dit que ça me paraît insipide.