Bashkirtseff

Mardi, 20 janvier 1874

Orig

# Mardi, 20 janvier 1874

Le réveil n'a pas sonné et j'ai dormi fino alle otto e mezzo. Miserere ! E tempo di ricomminciare a lavorare tutti questi giorni erano giorni di divertimento ma ! O misera me ! Venerdì finì su tutto ciò che mi fa vivere ! Il Pigeon shooting e le corse. Tutto finisce in questo mondo !

Je me suis dit que le soleil ne doit pas trop souvent se montrer, c'est pour cela que je ne suis pas allée hier à Monaco, et aujourd'hui je le regrette, c'est-à-dire non, si je le regrette, non. Voilà d'un côté je le regrette et d'un autre je suis contente.

Mon cœur se serre lorsque je pense che venerdì tutto finisce. Races and shooting all is over; bientôt le monde que j'aime s'en ira et alors, oh alors ! J'espère mon Dieu que je m'en irai aussi. Je sors d'abord en voiture (robe brune adorable, le corsage me va splendidly bien). Je reporte le corsage bleu à Mme Gouin pour qu'elle l'arrange parfaitement. Il y a musique. Je vais vers trois heures un quart chercher Hitchcock et nous allons for a walk, je contrived to pass by the churchyard puis par une villa particulière et comme ça nous fûmes tout de suite sur la Promenade. Nous marchons jusqu'à l'Acqua Viva, là je vois le duc de Mouchy avec Lambertye en fiacre, tous deux se retournent mais convenablement. J'ai failli rougir. La petite Labanoff sera sans doute la Belle cet hiver. Elle a une face insolemment satisfaite.

Il fait beau bien que l'astre qui etc. reluise. Je ne sais comment cela se fait que tous les hommes me regardent. Je ne suis pas comme l'année dernière une petite fille habillée, je ne me montre plus aussi souvent, je me conduis simplement, je suis coiffée simplement, mise élégamment il est vrai mais suivant mon âge, donc on ne peut pas dire que c'est parce que je suis ridicule, extravagante ou fast. C'est ma personne qui est en cause. Chaque homme comme il faut dans la rue me regarde. Je passe et je suis sûre que ceux devant qui je passe me remarqueront. Passant au Détroit des Mouches il y avait un bataclan de petits chiens, Furstenberg I entre autres, qui m'a tout de suite regardée.

A la Promenade aussi j'ai rencontré le comte Markoff, je m'arrête quelques minutes pour lui parler.

Ce qui est curieux, c'est que je considère comme une insulte lorsqu'on ne me remarque pas, j'aurais voulu frapper celui qui ne me voit pas; sans doute un comme j'aime; peu m'importent les Niçois ou la poussière !

Et je ne suis pas belle, je ne suis que pas mal.

Tebbitt et Striker ont salué amabilissimamente mercenary ! Et ! qui n'est pas mercenary ! les uns pour une soirée, les autres pour un dîner, un troisième pour le nom, un autre encore pour l'amour ! Tous sur cette terre sont mercenary

Je ne m'en plains nullement.