Lundi, 1er décembre 1873
# Lundi, 1er décembre 1873
J'attends mon cheval une heure entière, en compagnie de Bête qui est malade et couchée chez Dina. Nous parlons, mari, femme, amours, coquetteries, etc. etc. Voilà déjà deux qui disent que la femme peut toujours avoir l'homme qu'elle veut, la Collignon et Bête.
Si c'était ainsi, mais elle s'explique, la femme mariée et non une jeune fille. Je sais bien que comme ça la femme peut toujours avoir l'homme qu'elle veut.
Pitou (Fortuné) vient annoncer que les demoiselles Howard sont là, je dis de les prier de monter; mais elles sont à cheval. Je sors sur le balcon et Hélène me dit de venir, le cheval m'attend. A vrai dire je ne m'attendais pas du tout à cette surprise. Cet homme triche, il ne vient pas, ne donne pas les chevaux qu'il faut. Heureusement arrive maman, je demande ce que je dois faire. Je monte enfin, il est quatre heures, nous allons à l'avenue de la Gare, mon petit cheval Gipsy que je monte pour la première fois n'est pas mauvais. Je vais à côté d'Hélène et Aggie est derrière avec l'homme. Nous parlions de Mme Beketoff, cette charmante femme que j'aime beaucoup. Mme Howard et Hélène iront l'hiver prochain à Naples chez Mme Beketoff et on mènera Hélène aux bals sous la protection de madame.
Bienheureuse Hélène. Tout le monde la cherche, chacun est prêt à la servir; ça dépend de la position de sa mère, de sa maison et enfin de tout. Moi, pauvre moi ! Je ne serai jamais placée comme elle.
Je suis jalouse et chagrine. Vaine créature que je suis. La promenade n'est pas vilaine, après avoir laissé mes compagnes je suivais notre voiture au trot et bien.
J'ai dit délicatement à Hélène que je suis très fâchée d'être allée; on triche, on me change les chevaux, les mauvais chevaux tombent et on dit que c'est parce que je saute, c'est toujours comme cela, ma chère. J'espère qu'elle a compris. Je viens de finir mes études du soir, en passant par le salon, j'y vois diadia et Mme Howard. Tous ces gens me disent tant et tant que j'étudie trop, que je commence à le croire aussi, comme c'est étrange dans ce monde. Si on commence à dire une chose tous la répètent et tout le monde la croit. Pour la beauté c'est la même chose.
Solominka et Tormosoff ont dîné chez nous; ils sont tellement amoureux que ça se voit trop et ce n'est pas bien.