Bashkirtseff

Mardi, 18 novembre 1873

OrigCZ

# Mardi, 18 novembre 1873

Je sors d'abord à pied avec Hitchcock, je commence à m'habituer à la robe brune, le corsage va admirablement. Nous passons le quai Masséna et la promenade ensuite. Les saisonniers sont déjà plantés sur la promenade depuis le jardin public jusqu'au n° 7, je ne passe pas entre ces deux rangées d'yeux qui fixent comme les canons d'un vaisseau. Depuis quelques jours je me promène du côté des maisons, c'est plus nouveau. Toutes les canailles vont près de la mer.

J'entends des choses abominables ! Maman a acheté la maison (Coupello). J'en étais toute indignée, acheter une maison à Nice ? Justice divine ! Une maison à Nice, vivre à Nice ! Et si même (Georges est acquitté à Aix, Mme Anna de Tolstoy recevra seulement une amende de cinq cents francs pour les deux soufflets) semblable disgrâce arrivait, on ne doit pas demeurer dans une maison bonne seulement pour un dentiste enrichi ! Si c'était une villa noble, sur une hauteur, avec jardin, bien placée, ou à la promenade des Anglais, même une semblable maison pourrait passer. Mais dans un trou ! Loin, dans une ruelle ! Au delà de l'avenue de la Gare ! Dans un bas-fond ! Oh ! Oh ! C'est cette horreur près de la villa Marguerite à côté de l'hydrothérapie vers les Skariatine. Un petit champignon écrasé en sa naissance ! Si cette villa était à la promenade on devrait la saisir, non seulement prendre. Car si on ne demeure pas, on est sûr de louer. %% 2025-12-07T11:46:00 LAN: CODE-SWITCH ENGLISH: "thoughtless" - English for character criticism %% Nous ne pouvons pas vivre à Nice, maman n'a pas su se placer au commencement et maintenant il est trop tard pour des gens aussi nonchalants, thoughtless et paresseux. Il y a en plus cette stupide affaire en Russie qui embrouille tout. La Tolstoy n'a pas laissé peu de poison derrière elle, cette canaille.

Je prie Dieu tous les soirs qu'Il nous permette d'aller en Russie et terminer avec Son aide ce procès qui nous ronge et qui empoisonne notre vie, la mienne surtout. Puis retourner encore en France et nous installer à Paris comme il faut. Car vivre comme maintenant est chose affreuse. Comment à Nice, à Nice même, ne jouer aucun rôle et ne pas être connu avec sa sale aristocratie ! Cela me tourmente chaque instant, chaque plaisir est un ennui. Lorsque nous sortons seuls. Aux courses, seules. Au théâtre, seules. Partout, partout seules. Sans être des étrangers complets qui ne connaissent personne et qui viennent et ont le charme de la nouveauté. Tous veulent savoir qui ils sont, qu'est-ce qu'ils sont ! Nous sommes je ne sais pas quoi... rien, oui à Nice pire que rien. C'est honte, pitié, malheur pour moi. Les sages peuvent se moquer de ce que je dis mais ceux qui se sont trouvés dans une pareille situation me comprendront.

La voiture vient mais pleine, maman veut encore me faire attendre mais c'est trop tard je dois l'avoir. Alors maman et Dina prennent une espèce de victoria et vont chez Mme Howard, nous laissant le landau avec papa et Renard. Je vais alors chercher la balance (elle ne va pas) et Bête. Rendre la balance et chez Auda pour Bête. Nous rencontrons à la promenade maman, je la rattrape, monte dans sa voiture, renvoyant Dina au landau et nous passons près de la maison Coupello. Je répète à maman ce que j'ai dit maintenant mais calmement, je vais essayer de remporter des victoires avec du calme et de la tranquillité. On n'est pas habitué à me voir combattre avec calme, et ça prendra j'espère. Nous tournons à la promenade où l'on voit toute la jeunesse de Nice, qui est nombreuse et pas mal aujourd'hui, il y a Saint-Clair et encore quelques autres plus propres. J'ai alors parlé à maman de la vie à Nice (page 182-183) aussi très calmement et j'ai presque pleuré, heureusement il n'y avait personne en ce moment.

Je tenais aujourd'hui à me faire voir à cause de l'accident d'hier.

Tout le temps en voiture, me dit Bête, j'avais l'air de la Pauline. Je le sentais moi-même et ne le voulais pas du tout. Copier Pauline fi ! saleté !

Mme Howard vient un peu avant dîner et nous parlons d'hier. Elle veut m'assurer que je galope. Jamais je n'ai galopé depuis cet été. Ce sont Lise et Hélène qui galopent ignoblement; moi je trotte comme c'est plus savant et plus joli sans parler que c'est cent fois plus agréable. Walitsky a dit même qu'en ce désordre affreux un dieu poussait d'aiguillon de mon cheval le flanc poudreux. C'est-à-dire que je le battais avec ma cravache. Je n'en avais seulement pas ! Oh vérité, sainte vérité où es-tu ?!! Je suis encore jeune et je ne puis souffrir les mensonges et les injustices. On dit qu'on s'y habitue et qu'on parvient même à dire et faire soi-même. Dites après cela que les hommes n'ont pas atteint la perfection !

Maman est trop faible. Je devrais être la mère, elle la fille. On a pris mon cheval, je monte sur un je ne sais quoi qui tombe sans moi.³ Et on vient me dire qu'on m'aime et pour cela on me prie d'être plus prudente ★ne pas galoper. Oh ! Bonté Divine ! Oh ! Vérité ! Oh Justice ! Moi ★galoper.

³ Le cheval a tombé, pas moi.

Mais pauvre femme (Howard) elle est sûre de ce qu'elle pense, elle ne sait pas ! ★Ils ne voient pas ce qu'ils font ★. Au reste elle est charmante et extra-aimable.

Le diacre me donne raison.

Hamilton vend son écurie. Pauvre duc tu t'encanailles !

J'ai dit cela à Bête devant Termosiris, et ce petit insecte suppose que le duc se ruine. Il a même dit que sans doute une femme coûte plus cher que les chevaux. J'ai manqué de dire que Gioia ne coûtait pas peu de chose. - (réponse à la vente).

- Eh bien, il se marie, dit Bête.

- Non, dis-je, il s'encanaille.

Je me couvre la bouche sans finir encanaille, ce Terme est là et il a une langue !