Bashkirtseff

Jeudi, 6 novembre 1873

OrigCZ

# Jeudi, 6 novembre 1873

A peine me suis-je mise au piano que Nadinka accourt en disant que les Howard sont venus. Hélène et Lise ont des chapeaux de feutre dans le genre du mien, très gracieux et Hélène est vraiment ravissante. Elle, maigre, pas bien faite, mais une face charmante, fine, délicate, une expression si naïve. Blanche, rose, un teint délicieux.

[En travers: Oui, elle était bien jolie, malheureusement maintenant elle est beaucoup enlaidie !]

Je parais si laide à côté d'elle que mon humeur est gâtée. Je deviens timide, confuse, sérieuse et j'ai l'air misérable tandis qu'elle sûre d'elle-même est animée, vive et bavarde.

Bienheureux sont les satisfaits d'eux-mêmes et malheureux ceux qui reconnaissent leur infériorité. On va dans ma chambre mais je suis gauche, je suis préoccupée de ma face malheureuse. Je leur donne mes cadeaux. Je montre ce que j'ai acheté. Hélène me dit qu'elle m'aime beaucoup. %% 2025-12-07T11:00:00 LAN: CODE-SWITCH ENGLISH: "I am not in her way" - English for self-deprecating social observation %% Je crois bien. I am not in her way elle peut être mon amie sans aucun danger, elle est bien plus belle que moi.

[En travers: Maintenant, je suis mieux qu'elle.]

Vers la fin je me réveille un peu, je m'habille et nous sortons, nous quatre, moi, Lise, Hélène, Dina, Fortuné sur le siège. Comme je suis contente que nous sommes seules, qu'il n'y a pas de gouvernantes aux lèvres serrées ou souriantes. Nous allons à la promenade, Hélène est si jolie, elle le sait, et ça l'embellit dix fois plus. Je vais prendre au London House les bonbons que j'ai commandés, des oranges glacées. Nous prenons cela avec nous, Paul en fiacre, nous suit. Il est temps de rentrer, nous venons à la maison, mais Mme Howard est rentrée et nous devons ramener les enfants chez eux. On monte chez moi et je propose les bonbons mais elles refusent disant que maman ne permet pas avant dîner. Mais en un moment tous les bonbons disparurent avec la défense de maman. C'était amusant de nous voir avalant des grappes entières de raisin glacé. Je presse le monde et nous partons encore.

Je suis très fâchée d'être aussi laide. Je suis très envieuse, je déteste voir quelqu'un de mieux que moi. (Et combien sont mieux que moi !!!)

Je me serais consolée à une seule condition si les autres me trouvaient jolie, si je ne puis me trouver jolie moi-même.

Quel malheureux caractère j'ai !!! C'est vraiment stupide. Je suis confuse quand je suis avec Hélène, je voudrais me masquer. Je suis furieuse, enragée, excitée, fâchée. Je ne suis plus tranquille. Tout est sens dessus dessous dans moi.

Que l'envie est un grand tourment !

Il ne manquait plus que cela pour me rendre heureuse tout à fait. Et cependant je l'aime cette fille.

Paul est amoureux d'Hélène et Lise de Paul. Oh ! les enfants ! Hélène est plus femme et coquette, Paul n'est qu'un bébé. C'était charmant de voir Paul attachant la robe d'Hélène avec une épingle, portant les manteaux et les chapeaux, se promenant d'un air confus et rayonnant.

Oh ! les enfants, les enfants !

Hélène ira dans le monde, on l'admirera. Et leur position à Nice y contribuera énormément.