Bashkirtseff

Vendredi, 3 octobre 1873

OrigCZ

# Vendredi, 3 octobre 1873

Lemp ne vient pas; la rentrée au lycée a lieu. Paul a été reçu, comme externe of course, dans la quatrième classe à ma grande satisfaction. A la maison il ne pouvait jamais étudier régulièrement.

On va search les effets de Palajka c'est une désagréable cérémonie, comme si quelqu'un était mort. J'étais chagrinée et honteuse pour Palajka, quant à maman elle est au désespoir et veut pardonner. On a trouvé des bijoux, du linge et plusieurs petites choses à nous. Mais maman n'en est que plus fâchée. Et comme dit Bête:

- Ils examinent les choses volées et ne reconnaissent que le quart, par pitié.

Je sortis seulement une heure avec Bête et papa.

Je rentre et je vois toute la buia compagna jouant au croquet. Je m'arrête là. Khalkionoff joue. Walitsky a inventé un joli pari, Trifon doit tuer une chauve-souris, pour chaque bon coup, il reçoit de Walitsky, Paul et Khalkionoff un franc, s'il manque il doit plonger sa tête dans le ruisseau qui entoure le lavoir !!! Deux fois, pauvre animal, il a plongé, mais il a gagné six francs (dans ce ruisseau il y a des grenouilles et autres horreurs). J'ai offert mieux, je donne trois francs, ce qui fait douze francs comme nous sommes quatre, mais s'il manque, il doit se coucher tout entier dans le ruisseau. Je n'eus malheureusement pas le temps de l'exécuter, on appelle à dîner.

Le pauvre homme avant chaque coup, disait une prière tout haut. C'est très amusant. A dîner, Dina dit :

- Le 7 janvier, fête de Walitsky, le 8, la mienne et le 12 celle de Marie. Je sais ce que je te donnerai, Marie.

Elle me regarda, j'ai compris que c'est le portrait de Gioia et j'ai deviné juste.

- Tu sais, n'est-ce pas ? continue-t-elle. Deux, tu sais, l'une et l'autre.

J'ai encore compris que l'autre photographie est du duc et, encore, j'ai deviné juste.

- L'une oui, mais l'autre, je ne sais pas ce que tu veux dire.

- Bah, comme si tu ne devines pas.

- Mais pas du tout, je t'assure, la première oui, mais l'autre non. Enfin, donne toujours et on verra.

- C'est ça, tu sais.

- Mais tu ne pourras pas les avoir, d'où et comment ?

- Oh ! sois tranquille, lorsque je me mets à avoir du courage cela va jusqu'à la folie, je suis capable de le demander à elle.

- Aïe, aïe, aïe ! toi, la petite brebis innocente, la dame moutonne ? Holà ! est-ce que je croirai ? Veux-tu parier que tu ne me donneras pas les deux ?

- Veux-tu parier que oui ?

- Bien, un louis seulement, c'est modeste.

- Va pour un louis.

- Mais où prendras-tu les deux, je sais qui est une, mais je ne connais pas l'autre.

- Oh ! tu connais et je le donnerai, un cadre garni de cerise et de gris.

- Tu ne pourras pas l'avoir.

- Oui, je l'assommerai, non, je l'aborderai et lui dirai que j'aime, non, qu'il y a une personne qui aime les rouges, donnez-moi votre portrait.

Ici elle a dit une bêtise, tout le sérieux du commencement s'est évanoui.

- Bêtise, ma chère, je pensais que c'est sérieux.

- Oui, c'est sérieux, n'importe comment mais j'aurai les deux, à moins qu'il ne vienne pas à Nice.

On parlait et criait et pendant ce bruit ces paroles étaient échangées. En vérité je voudrais un pareil cadeau. Mais, moi, je suis capable de lui parler à elle, pour parier, de lui demander de visiter sa maison et de lui demander son portrait. Mais cent mille fois hélas ! il n'y a pas un parieur assorti !!! Je monte chez Dina et je lui demande si nous parions pour les deux.

- Pour une, oui sans doute, nous parions.

Mais je suis une telle bête. Peut-on s'imaginer chose pareille ? Figurez-vous que je rougis lorsque Elder nomme Addy ! Je n'en puis découvrir la cause !!!!!!!!

Tous vont au Français, même spectacle qu'hier.

J'ai fait un discours comique sur la beauté des lèvres, certainement disant que les miennes sont les plus jolies. Khalkionoff est présent. C'est un garçon simple mais il n'est pas dégoûtant, au contraire. Tout le monde s'en va au théâtre, moi, Bête et papa restons encore quelque temps. Dina me dit à dîner que je ressemble à Gioia, elle ne m'a pas dit le nom, mais:

- Tu ressembles à ... et j'ai compris. En effet, j'ai changé de coiffure, c'est-à-dire que je place le peigne au milieu au lieu de le placer en avant comme sur la photo de Walery "Thou ravest". J'ai une raie devant, le derrière est bien garni, et... et, je n'ose pas le dire... je rappelle un peu Gioia mais en laid. Bête m'assure que je lui ressemble, Dina aussi.

Si j'étais la moitié aussi belle !

Je la trouve belle, parce qu'il la trouve belle et pour cette même raison je... je ne sais pas ce que je sens. Ce sentiment est vague, incertain, nouveau, je ne puis le comprendre mais il me brûle (très senti).