Mercredi, 29 juillet 1874
# Mercredi, 29 juillet 1874
Depuis quatre mois je mène vie irrégulière, je veille, je me lève tard, [Rayé : et aujourd'hui] et je me suis faite laide, pâle et faible.
Je suis fautive, il me faudrait sévèrement punir. Aujourd'hui je me suis plusieurs fois trouvée mal. Malgré cela, j'ai dîné à Orange, nous nous en allions lorsque Jahal accourt, offre le bras à maman et assure que nous devons absolument voir le salon de conversation, nous restons quelque temps dans ce salon de conversation, le Grec qui était déjà chez nous passa près de nous. Une Anglaise, celle à laquelle Gericke fait la cour a chanté assez bien, elle n'est pas mal. Gericke dînait à la même table avec nous, mais loin. À côté de nous étaient M. et Mme de Bauche, tous les deux très aimables et bien. Gericke s'est caché.
Je me trouve encore faible et mal, pour pouvoir aller au casino je prends une bonne quantité de gin et deux tasses de thé ensuite pour chasser le sommeil qui s'emparait de moi. Comme cela je pus sortir.
Ce soir les Espagnols, sous la conduite du marquis del Puente, organisent un cotillon pour leur société.
Je dois dire que depuis qu'il y a du monde nous sommes effacés, les Espagnols et les Américains accaparent les promenades et les jeunes gens. Ce soir ils organisent un cotillon pour ceux qu'ils connaissent. Paul à toutes forces veut y entrer, on l'accepte à peine, lui disant qu'on doit le présenter à tous, il refuse je ne sais pourquoi, cède sa danseuse et se conduit bêtement.
Je suis très furieuse de ne pas être invitée, pas moi-même mais ces malheureux nous. Nous allons cependant, vers dix heures.
On a affiché sur les colonnes qu'à dix heures soirée, société particulière. Malgré cela beaucoup restent à regarder la société particulière parée. Après le cotillon il y avait un souper.
Il n'y avait pas de place sur le devant, ayant parlé avec la comtesse Guirini (qui était deux fois chez nous) et la Viviani, nous passons derrière les colonnes, à gauche, sur le premier canapé est Gericke, qui ne se lève et ne salue pas, j'ai passé, naturellement et sans le regarder. Je suppose que les autres en firent autant. Nous nous plaçons derrière le piano. Jahal et le Grec, qui ne sont pas de la société particulière viennent, et on commence un concert de dépités. J'y prenais part et riais intérieurement.
Gericke qui n'est pas de la société particulière, se tient vis-à-vis de nous, caché derrière une colonne et regardant d'un œil. Il a l'air misérable. Mais je ne peux deviner ce qu'il a.
J'oubliai de dire que je suis sortie ce matin avec Dina par une pluie torrentielle, que nous avons rencontré les Haristoff etc. J'étais en caoutchouc et bottée. Je suis levée depuis sept heures.
Revenons au soir, notre conversation est misérable et convient à notre position, néanmoins on rit et on pense qu'on se moque de la société particulière qui s'amuse. Je voudrais bien qu'à Nice il y ait autant de jeunes gens qu'ici. C'était agréable à voir toute cette belle jeunesse en grande tenue. Le duc espagnol me salue encore : pourquoi ne me saluait-il pas au commencement ? L'homme que je ne pouvais reconnaître qu'à cheval et en voiture est je crois le baron de La Rousselière, marié.
Il a passé devant nous. Mais ce n'est pas celui que j'ai vu la première fois, je ne puis le reconnaître, je crois cependant que c'est un autre.
Je suis remarquée de tous les hommes ici, de ceux de la princesse (d'Italie) aussi.
Somaglia me regarde toujours. Le vieux polisson Bloudoff dit beaucoup de bien de moi à de Bauche, quand je sors seule il me regarde beaucoup et marche quelquefois derrière, une fois j'entendais ses pas derrière moi, j'ai tourné le coin pour rentrer, alors il s'arrêta et me regarda rentrer.
Il dit à la Viviani qu'il aimerait beaucoup à être chez Mme Bachkirtsève, mais qu'il est trop habitué aux cocottes et ne saurait quoi faire chez une femme comme il faut.
Pendant que je regardais le monde la figure de Blackprince m'apparut, mais si belle et avec une expression comme j'aime que je secouai la tête pour la chasser et fis un mouvement d'impatience à gauche, ouvrant l'éventail. C'est bizarre.
Nous rentrons accompagnés par le Grec. Le comte polonais est malade.
À la maison le chœur des dépités continue, je rappelle notre position à Nice et suis chagrinée.
Maman couche avec moi.
Le Grec m'a dit deux fois en différents temps qu'il n'avait pas de faiblesse pour moi. Est-ce qu'il pense que j'en ai pour lui ? Ce serait laid.
M'ayant dit cela il a dit que je suis jolie et que j'ai assez pour tourner autant de têtes que je voudrais. Si c'était vrai. Il ne fait la cour à personne de nous, vient souvent ; j'aime assez cette position.
J'allais oublier de dire que sans avoir jamais appris je sais toutes les manières de faire les yeux. Cette science m'est venue pendant ces derniers jours, j'en suis étonnée.
Je suis heureuse de dire qu'on ne sourit plus en me voyant comme on souriait quand j'étais petite, mais on me regarde.
La jeune comtesse d'Aquila sourit elle, mais elle le fait comme maman à Clémentine Durand.