Mercredi, 17 juin 1874
# Mercredi, 17 juin 1874
Avec combien de difficultés nous achetons cette villa 55 ! Mais grâce à Dieu l'argent est en route et avec sa permission tout ira bien.
Je lis le deuxième journal. Dans ce livre plusieurs fois je fais des déclarations à Boreel, ce paysan qui marche si laidement et si drôlement. Au moins on voit que j'étais franche. Ce Boreel était beau et je le trouvais tel; ce temps était pour parler d'un style ampoulé et boursouflé, le temps de la lutte. Boreel me plaisait encore et le duc de Hamilton avait paru. [Rayé: C'était mal] Comme la bougie trempée dans de l'eau fume et craque et quelquefois conserve une étincelle, ainsi Boreel trempé dans le duc de Hamilton a fumé, craqué mais finit par finir. [Rayé: Seulement ce n'était pas...] J'avoue que j'aime les hommes beaux et qu'ils produisent toujours un certain effet, mais ils doivent encore être comme j'aime, beaux ne suffit pas. Boreel était propre, ou pour mieux dire il était le seul que je remarquais. Mais sa démarche, oh ! sa démarche.
12 février Duc de Hamilton.
Je sors depuis midi. Nous allons chez Mlle Rice, sa cousine, la petite Américaine est aussi drôle qu'à Nice.
Elles me trouvent immense pour quinze ans, et la grasse Rice a dit qu'une de ses amies a dit que j'avais la plus jolie taille de Nice, ce que je crois sans peine. Nous étions chez Roy pour la grille, il nous soumettra des dessins et des projets. Puisque l'argent arrive, tout le reste marche; aujourd'hui ou demain arrivent les plans des chambres qu'a demandés Duval; la grille est presque commandée, aujourd'hui on a expédié du Bon Marché plusieurs articles nécessaires pour les domestiques etc. enfin tout marche.
Maman me rend furieuse avec ses manières envers moi, son hurlement, ses lamentations ! Oh mon Dieu !
Nous avons fait un tour au Bois, il n'y avait personne que je connaissais même Fedus manquait.
Je suis allée voir des chiens avenue de la Grande Armée, il y a là un setter qui me plaît. Si nous pouvions rester jusqu'à dimanche j'irai au marché des chiens, car j'ai grande envie d'un terre-neuve. Je suis folle des chiens, des joujoux et pardessus tout au monde de chevaux. Comme je voudrais avoir un cheval.
Je n'ai pu lire que la moitié du deuxième journal. Gioia était presque brune aujourd'hui et presque peu peinte ce qui lui donna une expression de candeur.
Je me suis souvenue de la rapidité avec laquelle allait le duc de Hamilton en voyant comme Blackprince va lentement.
La dernière fois que je le vis j'étais à cheval le 12 février 1873, il y a de cela quinze mois. Comme il y a longtemps ! Et rien n'est changé en moi. Je fais un peu moins de naïvetés orthographiques, voilà tout. C'est depuis que je ne le vois plus que je vois combien... il me plaît. C'est depuis que je ne le vois plus que je le vois le plus.
C'est depuis que je ne le vois plus que je vois ce qu'il est.
C'est depuis que je ne le vois plus, enfin que je ne l'aime plus mais je l'adore. Je prie Dieu de ne pas me faire trop spirituelle l'année prochaine, je me moquerai encore de cela, oh non, quelle idée.
Le temps où je le voyais me paraît un rêve et ce rêve était tellement troublé et extasié que je ne pouvais pas penser, comme je pense maintenant.
Je le voyais, je rentrais toute joyeuse, je prenais mon journal, j'écrivais. Quel bonheur ! Comme je l'aime ! avec des points of admiration sans fin et voilà.
Toute ma vie, tous mes amusements ont été jusqu'à présent dans la rue. Nous ne connaissons personne. On peut le voir par mon journal. Je commence la journée par la promenade et je la finis en rentrant. Car dans l'intérieur il n'y a rien. Personne ne vient chez nous, nous ne connaissons personne. Ah ! quelle misérable vie !
Le malheureux Rodionoff est ici, il était venu deux fois chez nous, pauvre diable.
Je suis dans une humeur à me lamenter sur notre vie, depuis trois jours cette humeur ne change pas.