Bashkirtseff

Vendredi, 3 avril 1874

Orig

# Vendredi, 3 avril 1874

O quelle peur affreuse ! Mon cœur bat encore. Je vais prendre mon journal derrière le tableau, je tâte comme d'habitude et... ô terreur I mes doigts ne rencontrent rien ! "Horreur, tout mon sang s'est glacé". J'allais demander à haute voix, je cherche sur la table et je le trouve ! comment se trouve-t-il ici ? Mystère. Qui a pu le prendre ? Pourquoi n'est-il pas derrière le tableau ?

Voilà ce que je ne peux pas m'expliquer.

Je n'ai pas fait mon journal, d'ailleurs il n'y avait pas grand chose à écrire. Comme toujours je sors et comme jamais je ne vais pas à la Promenade mais au contraire dans la vieille ville, en voiture et à pied. J'y trouve un chapeau simple et original que je mettrai peut-être. Celui que Mantel m'avait envoyé m'allait mal je l'ai renvoyé et j'attends un autre... Nous parcourons toutes les rues, tous les magasins... je m'encanaille. Je n'étais qu'une fois à la Promenade.

Aujourd'hui il pleut... J'étais chez Laussel, cela va mieux mais j'ai encore peur.

Les Howard, d'amies enflammées sont devenues de bonnes connaissances. C'est plus solide, je crois. Voilà quatre dîners calmes et nous nous amusons à réciter des bellissime poesie les seules qui me plaisent et qui me font aimer les vers. Voilà un exemple :

*Il enduisit même son visage de crème

Il pommada ses mains

Et de la cave il apporta

Un pantalon d'indienne*

etc. etc. etc.

C'est charmant et puis :

*Il fit pivoter le chat, le sella

Et galopa dans la rue Comme une grenade. *

C'est divin, admirable. Encore un magnifique échantillon des pourparlers de guerre entre le sultan et un hetman des cosaques, le hetman répond à des injures par une série d'injures encore plus grandes. Quel envoyé du Dieu vivant tu es, du diable tu es... (le mot ne passe pas), puis il termine: *telle année et un mois comme chez vous. Embrassez-nous dans le

On devine que c'est papa qui a dit les vers avec les mots qui ne passent pas. Ça l'amuse, le pauvre.

Maman est malade, le soir nous restons chez elle. Ma tante, Walitsky, Paul, Bête et Stiopa sont à Monaco depuis cinq heures.

Georges vient le soir. Machenka a eu véritablement peur quand je lui dis que tous les soirs quelque chose frappe dans la cheminée. Je lui arrangeai un chapeau et je commençai à invoquer l'esprit qui frappe, elle eut peur. Quelle folle...

Mais ce qui est vrai c'est qu'hier vers minuit mon lit bougeait, je ne me levai pas par paresse. A déjeuner Machenka me raconte que son lit bougea si fort qu'elle sauta de peur sur celui de Stiopa, Walitsky aussi croit avoir senti une secousse.

Est-ce un petit tremblement de terre ?