Bashkirtseff

Dimanche, 22 février 1874

Orig

# Dimanche, 22 février 1874

A l'église. Je vais seule en ville, je me trompe, en compagnie de Prater qui, très gravement, occupait la place d'honneur à côté de moi. Un vent et une poussière désagréables.

Maman fait quelques visites, chez Mme Allen je monte avec elle. Maman, Mme Allen et Mme Howard que nous y avons trouvée d'un côté, et M. Allen, le jeune Allen, Tebbitt et moi de l'autre.

Il y a un siècle que nous ne nous sommes arrêtées près de la musique, aujourd'hui nous passons seulement.

Les nouveaux mariés ont fait leur visite de noces à deux heures et nous étions à la maison.

Nous allons au London House, maman, ma tante, Dina et moi, de là chez la comtesse de Mouzay qui est fort malade. Là nous voyons Mme Balagny, qui lorsqu'on parlait de ma taille me dit, pourquoi je remonte tellement la gorge; alors je suis allée dans une chambre et je lui ai fait voir que je suis faite comme ça. Elle s'étonna mais me consola en disant que ça passera avec l'âge. Bête, elle a je crois un porte-monnaie avec une pièce de cinq kopecks.

A huit heures à la vente Masséna qui est continuée encore ce soir, la tombola aussi. Ces dames ont les mêmes toilettes puisqu'elles sont assorties au pavillon. J'ai pris une quantité de billets et gagné une quantité de petites choses. J'étais un peu fâchée de voir un vilain Bec sur la tribune et d'être moi dans la foule.

La princesse est toujours aussi aimable; il y a là un jeune

prince Tchetvertinski qui est Chilovski tout à fait, la même manière de parler. Woerman était presque tout le temps avec nous, près de moi. Il est tellement bête qu'il ne comprend pas même les nonsenses de société; au bout d'une demi-heure je l'ai trouvé ennuyeux et j'ai parlé aussi bêtement que lui, comme ça nous nous comprenions.

Maman dit qu'il vient toujours vers moi, pour exciter la jalousie du Bec. Il m'a presque fait rougir pour Tchetvertinski. Quel nom long, je vais simplement le nommer, le prince.

Le jardin est éclairé a giorno, puis par des feux de Bengale, et par de la lumière électrique. On se croyait loin de Nice, je pensais que j'étais à Bade. Plusieurs musiques. On ne pouvait pas croire qu'on était à Nice, on se croyait transporté ailleurs, loin, à l'exposition de Vienne ou à Bade. Je respirais librement.

Je cherchais Lambertye, j'y suis habituée et ce me semble incroyable de ne pas le voir; il est devenu un accessoire nécessaire de toutes mes sorties et je m'ennuie si je ne le vois pas pour longtemps. Ce soir il n'y était pas, mais je l'ai vite oublié.

J'étais fâchée cependant mais pour des causes plus sérieuses, pour notre vie.