Lundi, 9 février 1874

# Lundi, 9 février 1874

(Robe bleue, bien). Il fait très beau, je sors avec ma tante et Dina, dans la rue Masséna nous rencontrons Patton qui reste près de la portière une demi-heure. Malgré quelque rudesse j'aime assez Patton; il est fort galant. Nous passons à la promenade. La Wittgenstein est traînée dans un fauteuil, elle est malade la vieille chienne. On ne voit plus son auguste époux. Je marche avec Hitchcock et je rencontre deux fois Lambertye

parmi un essaim d'Espagnoles. J'ai presque rougi et je devins essoufflée. Suis-je folle ! Pour un monstre pareil.

Il a été cependant le sujet d'un des romans que j'improvise et que je lis dans moi-même.

Le soir déshabillée tout de suite après dîner, je viens au salon où sont: maman, ma tante, Machenka, Dina et Walitsky. Je viens parler d'une chose très grave et importante. Je commence:

- Bon, je suis venue parler un peu avec vous. Quel âge ai-je ?

Alors j'ai demandé où pense-t-on vivre lorsque j'aurai seize ans. Dans quelle société, comment. Ce ne sera pas à Nice entre les poussières qui m'exaspèrent, qui m'assassinent !!! Mais on ne répondit pas sérieusement. Ce serait trop merveilleux pour un premier assaut. J'espère renouveler souvent la conversation et obtenir quelque chose avec l'aide de Dieu.

Depuis que j'ai quinze ans cette pensée ne me quitte presque plus. En effet je pleure à l'idée de me marier misérablement ! Rien ne peut égaler la peur que j'ai de me marier pas comme j'aime. La pensée m'en poursuit, me ronge; je la chasse et elle me poursuit.

Je prie Dieu, peut-être aura-t-il pitié d'une misérable ambitieuse. Au lieu de me répondre sérieusement on parla de Gritsia, de Finot qui plaît beaucoup à maman et qu'elle ne cesse de louer. Bête a même touché le personnage sacré, lorsque j'ai dit que Finot est laid.

- Je n'ai jamais considéré Hamilton comme l'idéal de la beauté. Il a un visage rond mais agréable.

Maman dit aussi qu'il était, qu'il est beau.

Non je ne veux pas en parler ! Je m'en souviens et je ne pourrai plus calmer mes transports !

Je le vois tel qu'il est, vivant, il est beau, noble, superbe, je l'adore !