Bashkirtseff

Samedi, 10 janvier 1874

Orig

# Samedi, 10 janvier 1874

Je me réveille à huit heures un quart avec un mal de tête, j'ai renvoyé le professeur de mathématiques. Je sors en voiture avec maman et ma tante, Dina est malade (robe bleue, chapeau brun, bien), je reste chez Bouchon jusqu'à ce qu'ils vont je ne sais pas où, car j'ai besoin d'une paire de bottines pendant que j'enverrai les dernières de Paris pour mesure chez Ferry. J'ai trouvé une paire assez convenable, mais la pointe comme une bêche, au point que je me sens toute blunt.

Nous passons à la Promenade que je n'ai pas vue depuis longtemps et que j'aime. Chez les Wittgenstein tout est ouvert. On ne voit plus la Centifolia, son protecteur Audiffret, son protecteur copie misérablement son prédécesseur, le matin à dix onze heures il passe rapidement en une voiture à peu près comme celle du duc, deux chevaux, vers elle, puis on le voit vers quatre heures passer de même à la gare ou au cercle. Enfin il le copie, et il pense qu'il peut l'imiter, lui un paysan et tel grand seigneur !...

Comme nous remontons la Promenade je vois le prince de Wittgenstein à la même place que le duc de Hamilton il y a deux ans. Je l'ai montré mais ni maman, ni ma tante n'eurent pas le temps de le voir. Sa belle couchée dans une calèche et laide et vieille, je ne l'ai pas reconnue.

Le duc et la duchesse de Hamilton viendront à Nice où le yacht "Thistle" les attendra.............

Miserere !

Je rentre à quatre heures pour M. Brunet.

C'est un vrai malheur avec Paul, il ne fait rien, il ne veut rien faire, il ne comprend rien !

Maman, ma tante, Hitchcock et Paul vont au concert d'un M. Franceschi, présenté à maman par la comtesse de Mouzay.

Diadia reste avec nous, c'est-à-dire, moi, Dina, la princesse et Machenka et nous amuse par toutes sortes de tours, les cartes, les anecdotes etc. etc.

Lasse de tout je vais chez moi et ils descendent au thé. C'est étonnant comme je suis devenue apathique, je serais capable de m'asseoir et ne pas bouger toute la journée. Mon plus grand plaisir c'est de rester seule et composer toutes sortes d'histoires à ma façon; car je me représente ce qui est passé et j'imagine ce qui peut venir; je l'arrange et je le pense. Je voudrais que quelque chose m'intéressât, m'animât, m'émût ! Ahhh. Je m'ennuie............