Jeudi, 25 décembre 1873
# Jeudi, 25 décembre 1873
Je reviens de l'église anglaise où j'étais avec Dina et Hitchcock. Il n'y a pas beaucoup d'Anglais, misère (robe brune, bien). Avant d'y aller je pris le "Galignani" et j'y ai trouvé ce qui est attaché ici avec l'épingle.
The Duke and Duchess of Hamilton arrived in town on Saturday from Suffolk, and afterwards visited the Duchess of Hamilton (Princess Marie of Baden) at Holland House, Kensington. Prince and Princess Edward of Saxe-Weimar also called to pay a farewell visit to the Dowager Duchess of Hamilton and Princess of Monaco, previously to their departure from Holland House the same evening (Saturday) on their way to Baden-Baden, which they expected to reach on Tuesday evening.
Je ne sais quel sentiment désagréable j'éprouvais en lisant, seulement quelque chose a changé en moi, depuis longtemps déjà je n'éprouvais rien, mais de ce moment je suis agitée, suis obligée d'aspirer l'air à pleine poitrine pour ne pas étouffer, et mon cœur n'est pas comme toujours, enfin je le sens. A l'église je péchais, car je ne pensais pas à Dieu sans penser à lui. Suis-je assez étrange ! Jusqu'aujourd'hui encore il ne me semble pas possible qu'il soit marié, qu'il y ait une duchesse de Hamilton, sa femme, qu'il l'aime. Je ne le comprends que comme je l'ai vu. Je voudrais pleurer.
Je viens de me regarder, j'ai vu une misérable face mécontente.
Que je suis heureuse d'être malheureuse !
Nous allons à la musique, (robe brune, pas mal). Il y a sans doute une quantité de monde, mais c'est égal. M. et Mme Sapristi se promènent à pied, très charmants.
Le soir nous allons chez les Howard (robe rose et grise, bien, mais pas comme j'aime; face bien). On voulait danser mais il n'y avait personne pour jouer et les Barter ne vinrent pas, de sorte qu'on ne fit que bavarder, le docteur Friedlander fit des tours de passe-passe mais les enfants le rendirent confus, au lieu d'applaudir ils disaient comme il fait et qu'ils savent cela.
Le lion de la soirée était Tibet. C'est un clown parfait, on ne fit que rire. Et il a de l'esprit ce garçon. Il faisait des bêtises, des tours et le reste écoutait et regardait.
Ma tante vient nous chercher à dix heures, mais nous ne partons que vers onze heures. J'ai ri, mais en somme je me suis ennuyée.
Maman est encore malade.
Comme j'ai peur qu'ils arrivent. Ils sont à Londres et de là iront sans doute à Nice. Comme c'est affreux ! Le sentiment dominant chez moi est une sorte de surprise d'étonnement, de bewilderment, quelque chose d'étrange, je ne pourrais pas m'en rendre compte. Il faut que je vois pour croire.
En nous promenant nous avons vu Gioia, même toilette que l'autre jour à Monaco, des bottines jaunes. Ma tante a dit "qu'elle porte ces bottines en souvenir du duc" et maman ajouta qu'elle pense que Gioia l'aime maintenant: comme je crois maintenant qu'elle l'aime, c'est-à-dire elle le raconte. Et ma tante et ses souliers sont comme ceux d'Hamilton.
Moi: - Il n'en a jamais porté de jaunes.
- Comment, jamais, toujours.
Moi: - Eh bien, je ne l'ai pas vu en porter. Et je l'ai souvent rencontré à pied.
Je n'ai pas rougi une seule fois, dans une autre occasion aussi on parlait de faux titres et ma tante a dit que Gioia pourrait bien aller en Russie et se dire "duchesse de Hamilton" etc. etc. Je répondis à cela froidement et calmement, maman me regardait, elle pensait que j'allais rougir; j'étais honteuse.
Gioia était avec son fils, très belle, très belle, seulement ce qui est mauvais c'est qu'elle se promène en landau loué, ça lui va si peu après sa voiture, et cela lui donne un air misérable. Combien fait la situation ! Tout !
Ma rage recommence, je suis encore troublée et (((jalouse))) c'est très bête mais je suis malheureuse.