Bashkirtseff

Vendredi, 5 décembre 1873

OrigCZ

# Vendredi, 5 décembre 1873

Dans cinq jours.

Je me lève à huit heures. Hitchcock est le comble de dégoûtation, et arrogante. Paysanne, bête, ignorante ! Fi ! Je sors d'abord en voiture (robe brune, pas mal) puis nous marchons avec Hitchcock, il y a beaucoup de monde. Il commence à faire froid, c'est un grand plaisir pour moi. J'aime à sentir mes joues fraîches et rosies par le froid.

Il y a quelques jours de cela que Howard S.T. a présenté à maman Edy à Monaco. Aujourd'hui je les ai rencontrés tous deux à pied.

La Delaroche fait du chic, ça marche, mais jamais elle ne me plaira comme l'autre. Comme le duc de Hamilton est pour moi l'idéal, la perfection de l'homme, ainsi Gioia est la perfection, l'idéal, la divinité de la femme. Tout en lui me plaît jusqu'au nom, comme elle aussi. Toutes les fois que je rencontre le mot Gioia je fais semblant de ne pas comprendre pour le lire plusieurs fois, toujours trois fois et l'Italien m'explique le passage que je comprends parfaitement.

Je suis si indifférente à tout maintenant. Je n'étais pas mal en marchant car on me regardait pas comme avant, mais comme je veux bien.

Je vais très rarement à la promenade et tant mieux. Presque pas une fois par semaine ou deux. Mais lui, le duc ne me quitte pas.

Alcibiade est un nom qui m'est devenu cher, j'appelle Gioia Laïs, c'est joli et je puis parler d'elle devant tout le monde.

Je lis tout ce que je puis trouver où l'on parle de Hamilton, même d'un duc et même d'Alcibiade. Toutes les fois que je lis dans Bouillet des Hamilton, des Arran que j'ai trouvé par accident ce soir, mon cœur palpite, j'ai froid, je m'évanouis presque. Je cherchais Aspasie et j'ai rencontré Arran, c'était inattendu et fort; on y parle des Hamilton ce nom divin. Non, vraiment, le nom est aussi très beau, idéal, superbe, ravissant, adorable.

Je suis folle, je l'adore comme un dieu; mais vraiment il réunit toutes les qualités, on peut sans scrupule l'adorer à genoux.