Bashkirtseff

Dimanche, 9 novembre 1873

OrigCZ

# Dimanche, 9 novembre 1873

Je me lève de bonne heure et je vais chez maman, on apporte les journaux, selon mon habitude je prends le Galignani's, je lis: The Post says the marriage of the Duke of Hamilton to Lady Mary Montagu eldest daughter of the Duke of Manchester will take place in February, the day is not yet fixed.

Tout le sang se porte à ma tête et je suis heureuse de sortir in fretta lorsque papa grimaçait et disait que je l'ennuie. Une fois chez moi je cours au miroir; je fais cela toutes les fois que j'éprouve une forte émotion, c'est très curieux en vérité d'étudier les diverses expressions et couleurs. En me regardant j'étais rouge mais en une seconde je devins très pâle, jaune. J'eus chaud et froid. Malgré ma certitude toutes les fois que j'en lis des nouvelles je suis surprise et chagrinée comme la première fois. Mais il faut m'habiller; nous allons à l'église, moi, Dina, Paul (robe brune, chapeau noir, pas mal, bien). Les Howard y sont aussi. Nous les vîmes, Mme Howard viendra nous chercher à trois heures et nous dînons chez eux.

De deux à trois heures je vais faire une promenade avec Bête. Je suis awfully dismal, ennuyée et ennuyeuse. Je déteste Nice, que je voudrais m'en aller. Sur cela nous avons parlé tout le temps après déjeuner. Je disais que les Anglais ne viennent pas à Nice, alors maman :

- Et Hamilton ? C'est une exception, un ivrogne, une ordure.

- Exactement, une ordure, dit ma tante. Mais, oui, sans doute. J'ai rougi, maman fit une grimace et ma tante, je l'ai senti sourire dans l'autre chambre. Nous avons encore continué sur Nice, son monde (?) qu'il n'y a que Vigier, Gros, Saëtone, Prodgers, etc. etc. Qu'il faut s'en aller, maman et ma tante consentent mais maman me dit que nous ne pourrons pas quitter la Russie avant la fin du procès. Et qui nous chassera de Russie, nous n'avons pas besoin de la quitter. La vie que nous menons à l'étranger est-elle belle ? Quels plaisirs ? Quelles joies ?!! Pour nous les plaisirs sont les livres.

- Oui c'est très bien, vous dites cela, mais vous savez bien ce que je dis; vous comprenez que je dis la vérité.

Et ainsi de suite; puis Rome, Florence, Paris. Mme Howard, Lise et Aggie viennent nous chercher. Mme Howard, Aggie et Dina montent en notre landau et moi, Lise et Paul dans le leur. En arrivant je vois Hélène au jardin avec un agneau qui la suivait: tableau !

Je suis de meilleure humeur et nous chatter pretty well. Moi et Hélène nous nous retirons dans la salle de bains et elle me raconte Mlle Jaspar. Elle ne l'aime pas parce que, dit-elle, Jaspar n'a pas [de] caractère et elle m'aime parce que j'en ai. Nous sommes convenues en général que la race des institutrices est une vilaine espèce. Nous dînons. Le dîner est trop léger, je ne m'étonne pas que ces enfants soient si pâles, et c'est dimanche. On parla de la maladie de maman et Paul commença à détailler mais je tranchais la question:

- Paul, tu veux faire du sentiment, tais-toi.

Ces enfants s'imaginent que tout ce que je fais doit être bien et particulier, elles veulent, Hélène surtout, me prendre comme modèle. C'est ennuyeux que je ne sois pas jolie. On me supplie de chanter, on monte. Après mille refus je consens : "Mais dans une chambre sombre", je suis comme les rossignols je ne chante que dans l'obscurité. On alla dans une chambre sombre et j'ai chanté "Je ne suis qu'une herbagère". On est delighted, extasié, charmé. On sert le thé au salon d'entrée et nous mettons autour de la table du milieu.

Il y a des livres charmants: "Les femmes célèbres" par Sainte-Beuve, il y a une femme, j'oublie le nom... Récamier ? Je veux un jour me coiffer comme elle, et... m'habiller, c'est-à-dire me déshabiller comme elle. Qu'elle est belle.

Hélène est vraiment très belle. Jamais je n'ai vu une plus jolie figure. Naïve, fraîche, jeune, belle, sympathique et des traits adorables, un teint parfait. %% 2025-12-07T11:14:00 LAN: CODE-SWITCH ENGLISH: "to enlarge on other people's beauty" - English for literary/rhetorical concept %% Je ne sais pas to enlarge on other people's beauty. J'ai dit tout ce que j'ai pu. La figure d'Hélène est un tableau, un poème, un charme, une divinité.

Au diable les Gioia ! Mais Gioia est autre chose, elle est à la mode et enfin c'est autre chose: elle est intéressante, admirable et excentrique dans son genre. Hélène est un amour, une beauté. Her face, I mean. Et elle est dix fois mieux parce qu'elle sait qu'elle est belle. Elle a une face radieuse, brillante, excitée.

Assez, en l'admirant je m'humilie.

Pourquoi ne suis-je pas belle ?

J'ai une telle conviction en ce moment que je ne pourrais plaire à personne, vraiment. Nous quittons à huit heures un quart. Je reste à causer avec maman, Dina, Walitsky et ma tante jusqu'à presque onze heures. Je me lèverai à sept heures instead of cinq.