Bashkirtseff

Lundi, 6 octobre 1873

OrigCZ

# Lundi, 6 octobre 1873

A cinq heures on vient me chercher (robe verte, pas mal), nous allons à la promenade maman, princesse, Dina et moi. La Wittgenstein passe, elle se nomme Rosalie, je ne me souviens pas du nom de famille. Je la regardais lorsque princesse me fait des signes et dit:

- Gioia, Gioia.

Je ne fis pas attention parce que tous les jours elle me dit: "Gioia" lorsque passe une vieille dame qui demeure au numéro 7. Mais les cris "Gioia" devinrent désespérés, et en effet elle passa en blanc et jaquette noire, belle comme une étoile. Et quelle hauteur, quelle démarche ! Je fus tellement surprise de la voir que maman sourit en voyant ma figure. Je ne la perdais pas de vue et à une distance convenable nous avons tourné, elle traversa vers la mer pour aller avec Rosalie. Comme cette Rosalie est misérable à côté de Gioia. Je m'étonne comment Wittgenstein peut souffrir cette petite chienne. Gioia a les cheveux pendants, mais ils ne sont pas beaux, moins beaux que les miens, et maman dit qu'ils sont faux. Nous avons encore tourné, elle sait que c'est pour elle, nous avions tourné et maman dit à Auguste d'aller à la maison.

- Ah ! non, non, continuez, je ne l'ai pas encore vue.

- Est-ce qu'elle vient ? demanda princesse.

- Elle vient, elle vient, la canaille répondit maman.

J'ai tant parlé en me promenant que j'en suis rather tired. Maman et la princesse m'ennuyaient avec ce Miloradovitch, je me défendais. Tout le monde a parlé franchement. C'est le rêve le plus cher de maman que j'épouse Miloradovitch, elle ne pense qu'à cela. Si ça arrive, se dit-elle, je n'ai plus rien à désirer. Misère des misères ! j'ai fait comprendre aussi bien que j'ai pu l'affaire. J'ai tâché aussi de prouver qu'on peut être heureux en mariage.

J'ai expliqué comment.

[Rayé: Exemple: Vous dites qu'Audiffret s'occupe de]

- J'ai expliqué la femme et j'ai dit que le mari ne courra pas.

- Tous les maris au monde courent, tous, il n'y en pas d'autres, dit la princesse.

- Je vous assure que oui. Exemple vous dites qu'Audiffret s'occupe de Gioia. En effet il ne la fuit pas ?

La princesse et maman: Oui, mais c'est pour un mois, pour deux, puis fini.

Et c'est pour toujours. Wittgenstein ne fuit pas, et cela dure vingt ans.

- Non, je vous assure, c'est possible. Si j'étais homme, je ne me marierais pas. Voilà encore, se jeter au cou de quelqu'un, c'est mauvais. Si encore les femmes étaient comme moi. ce serait autre chose. Mais il n'y en a pas comme ça et il ne peut y en avoir. Aussi mieux vaut vivre seul car, un homme qui n'est pas marié n'est pas une vieille fille.

Dans le jardin on parla encore de Miloradovitch. Oui si seulement je voulais faire un signe de la main comme à un chien. Ainsi...

- Tu n'as qu'à le vouloir, s'il te plaît, tu n'as qu'à le vouloir.

Non, je préfère faire pour quelqu'un d'autre un grand effort. J'ai tout dit, tout ce que je pouvais. Tout ce que je pense, ayant soin sans doute de paraître insensible et froide, ce qui désole maman, mais je ne puis faire autrement. Je dirais trop et ce deviendrait sérieux, tandis que je dis tout d'un half joking tone qui me permet [de] dire plus que sérieusement.

Au salon jaune nous vîmes des lumières, c'est Paul avec le jeune Arson. J'entrais toute essoufflée. On me l'a présenté. Et nous avons causé en trois pendant une heure, c'est-à-dire moi, j'ai causé. Arson est si timide. Je ne sais pas encore tout à fait ce qu'il est, mais je suppose que c'est un bon garçon. Il m'a dit qu'il m'avait prise pour une Américaine ajoutant que les Américaines sont très jolies et gracieuses, [ce] pourquoi je lui adressais un très gracieux et modeste sourire à pleins poumons. Nous avons parlé anglais. Tous me disent que je parle bien. Arson a dit que je parle perfectly well. Je suis vraiment contente de parler anglais.

Il s'en alla, il était sept heures, j'ai dîné et nous nous mîmes à jouer aux cartes. A huit heures je montais mais en me décoiffant j'ai trouvé une coiffure superbe à l'antique avec trois velours noirs. Et je me suis trouvée adorable. Si je lui paraissais aussi jolie.... me trouvant telle je descends me montrer et reste à causer. Maman revient avec Mme Anitchkoff et ses enfants détestables. Elle m'a squeezed près de la fenêtre, cette féroce sauvage. Je puis à peine m'en défaire. Je ne puis rester plus longtemps avec cette horde féroce. Et je vais dormir.

Oh ! Dieu faites que demain nous allions au Tir !

[Dans la marge: Arson et Khalkionoff dînent demain chez nous.]